L'âge d’or du genre humain, c'est aujourd'hui, sous vos yeux

Le seuil de pauvreté absolu, tel qu’il est utilisé aujourd’hui par les équipes de recherche de la Banque Mondiale, est fixé à 1.9 dollar par jour, à parité du pouvoir d’achat mesurée en 2011. C’est-à-dire que ce chiffre est corrigé des écarts de pouvoir d’achat du dollar d’un pays à l’autre ainsi que de l’inflation. Les chiffres que je vous propose ci-après ont été compilés par Max Roser, directeur du projet Our World in Data de l’université d’Oxford [1], sur la base des estimations de François Bourguignon et Christian Morrisson [2] complétées, à partir de 1981, des données collectées par la Banque Mondiale [3].

Naturellement, 1.9 dollars, ça représente très peu d’argent mais, au regard des imbécilités que je vois circuler quotidiennement sur les réseaux sociaux, une petite mise au point historique est sans doute nécessaire. Pour commencer, il faut réaliser que gagner 1.9 dollars de 2011 par jour, historiquement, c’est le sort du commun des mortels.

L'humanité misérable

En 1820, à l'époque du règne de Louis XVIII, on estime qu’environ 1.02 milliards d’individus vivaient sous ce seuil soit, rapporté à l’ensemble de la population mondiale, 94.4% de l’humanité. Oui, vous avez bien lu : plus de neuf homo sapiens sur dix vivaient avec moins que ça.

En 1910, quatre-vingt-dix ans plus tard, le nombre de pauvres atteint 1.44 milliards d’individus mais comme la population a augmenté plus rapidement, ils ne représentent plus « que » 82.4% de l’humanité.

En 1970, on estime que 2.22 milliards de nos semblables vivaient sous ce seuil de pauvreté extrême mais là encore, comme la population explose, ils passent en proportion à un peu plus de 60%.

Mais ce que les années 70 ont de remarquable, c’est que pour la première fois, alors que la population mondiale continue à croître à un rythme de près de 2%, le nombre absolu de pauvre va commencer à baisser.

Le point de bascule

En 1981, alors que la Banque Mondiale commence à mesurer le phénomène, le nombre total de personnes vivant sous le seuil de pauvreté extrême repasse sous la barre des 2 milliards — soit 44% de la population mondiale.

En 1990, dix ans plus tard, la pauvreté extrême recule encore et ne concerne plus que 1.96 milliards d’individus soit un peu moins de 37% de nos semblables.

En 2002, une grosse décennie plus tard, le mouvement s’accélère : on ne compte plus que 1.65 milliards sous le seuil de pauvreté extrême et, en proportion de la population mondiale, leur nombre recule de plus de dix points à 26.3%.

En 2012, date de la dernière estimation officielle de la Banque Mondiale, on ne comptait plus que 904 millions de pauvres à l’échelle planétaire — c’est-à-dire moins, en nombre absolu, qu’en 1820 et le taux de pauvreté extrême n’était plus que de 12.7%.

Selon les toutes dernières estimations, telles que publiées par Roser, on pense que la pauvreté extrême ne concernait plus que 706 millions de nos semblables en 2015 — c’est-à-dire que nous serions passés sous le cap symbolique des 10%.

Si vous cherchez un âge d’or du genre humain, sachez que vous êtes en plein dedans. Depuis 1970, le nombre absolu de pauvres a été divisé par plus de trois et le taux de pauvreté extrême est passé de 60% à moins de 10%. Contrairement à ce que racontent un certain nombre d’oiseaux de mauvais augure, ces quarante ou cinquante dernières années ont été le théâtre de l’enrichissement le plus massif que l’humanité ait jamais connu.

---
[1] Vous trouverez les données sources sur ourworldindata.org.
[2] Voir François Bourguignon et Christian Morrisson, Inequality among World Citizens: 1820-1992 dans The American Economic Review, Vol. 92, No. 4. (Sep. 2002), pp. 727-744.
[3] Les données sont accessibles en ligne sur le site de la Banque Mondiale.

Quand, à peu près, le français s'est il imposé en Provence ?

Je me demandais juste depuis combien de temps, à peu près, on parlait français en Provence. Éléments de réponse volés à Auguste Brun, La Langue française en Provence (1927) :

Christophe de Villeneuve, Statistique du département des Bouches-du-Rhône, T. III, 1826 (pp. 197-198) :

« La langue française, introduite dans l’administration après l’acte de réunion [1], se répandit lentement dans la Provence. Pendant long-temps elle borna son influence à altérer le provençal de manière à le rapprocher du français [2] ; mais elle ne fut étudiée que des personnes qui étaient obligées de la savoir, et dans les meilleures sociétés de la Capitale on ne se servait que de la langue du pays. Cette répugnance qu’avaient les provençaux pour le français, ne tenait pas seulement au caractère de la nation ; le provençal avait beaucoup plus d’affinité avec l’espagnol et l’italien, et si d’un côté les Provençaux avaient le cœur français, de l’autre il leur était difficile, dans les commencemens, de s’accoutumer à une langue qui, surtout dans sa prononciation, contraste si fortement avec le provençal.

« On sait que lorsque le feu roi, n’étant encore que comte de Provence [3], vint visiter cette province, on eut de la peine de trouver dans plusieurs villes des personnes capables de le haranguer en français, et même à Marseille il y avait alors peu de négocians à qui cette langue fût familière. On l’enseignait dans les colléges, on l’écrivait, elle était même assez généralement connue dans les classes aisées, et cependant on n’avait pas l’habitude de la parler, et le provençal était toujours seul en usage dans les familles et dans les sociétés.

« La révolution, qui a changé tant de choses, eut seule le pouvoir de rompre les habitudes du pays. On donna tout à coup d’un excès dans un autre. Le peuple, qui ne savait que le provençal, crut savoir le français, parce que les orateurs des assemblées populaires affectaient de haranguer dans cette langue. D’ailleurs, la nécessité de l’apprendre se fit sentir tous les jours d’avantage, et toute la population se mit à la parler tant bien que mal. Alors elle se répandit avec une incroyable rapidité, et aujourd’hui la Provence est, sous ce rapport, de niveau avec les autres provinces méridionales.

« Cependant le peuple reste toujours attaché à la langue du pays, et on la parle habituellement, non-seulement dans les campagnes, mais encore dans les petites villes et même dans les chefs-lieux en tout ce qui concerne les usages communs de la vie. Tout le monde entend pourtant le français, mais la masse de la population tient à ses habitudes, et il s’écoulera encore bien des années et peut-être des siècles avant que la langue française devienne populaire.

« Dans la bonne société cette langue est seule reçue, et on la parle même avec pureté. Dans les classes moyennes on est dans l’usage singulier d’intercaler des mots provençaux dans le français, et cet usage est si général qu’il a gagné toutes les classes commerçantes et industrielles [4]. Cela est cause que les provençalismes sont très-communs et qu’on les emploie dans la conversation et même dans les lettres. Un recueil de ces provençalismes serait un ouvrage fort utile pour le pays. »

Dans le Tableau historique et politique de Marseille ancienne et moderne, 3ème édition, 1817 (p.161) :

« La langue favorite du pays est la Provençale, c’est-à-dire, un composé des Langues Grecques, Italienne, Espagnole et Française, assez dur et pourtant expressif […] : les habitans tiennent beaucoup à cet idiome patois : il n’y a pas bien long-temps qu’ils n’en connaissaient pas d’autre. Ce n’est que depuis une quarantaine d’années que la Langue Française est généralement accueillie par les Marseillais, et qu’on la parle dans les sociétés. La quantité d’étrangers dont la Ville abonde […] a beaucoup contribué à la répandre : bientôt les parens ont cru de leur devoir, comme de bon ton, d’en exiger l’usage de leurs enfans, en sorte que la langue que l’on parle dans toute l’Europe n’est plus étrangère pour la jeunesse Marseillaise. »

Dans les grandes lignes, les provençaux considéraient le français comme une langue étrangère jusqu’au milieu du XVIIIè siècle. C’est dans les toutes dernières années de l’ancien régime que l’aristocratie et la bourgeoisie s’y sont mises, pour faire chic, et il a fallu attendre la révolution pour que le commun des provençaux suive le mouvement. La plupart des provençaux nés avant la seconde guerre mondiale parlait encore provençal et ce n’est qu’à partir de la libération que le rouleau compresseur républicain a fait son œuvre ; jusqu'à faire pratiquement disparaître cette langue ancestrale.

---
[1] L’union des États de Provence à la couronne de France en 1486.
[2] Principalement dans sa construction qui, d’italienne, devient plus française.
[3] Il s’agit du futur Louis XVIII qui visite la Provence en juillet 1777.
[4] C’est d’ailleurs toujours le cas : bien des marseillais utilisent fréquemment des mots provençaux ou d’origine provençale sans même le savoir : dégun (personne), cagnard (fort soleil), marroner (faire la tête), pèguer (coller), gabian (goëlan) etc. Notez aussi une bonne fois pour toutes qu’il ne faut pas écrire « kézako ? » (qu’est-ce-que c’est ?) mais qu’es acò.

Pour une agence nationale de lutte antiterroriste

Je te mets au défi, Ô lecteur, de me m’expliquer comment fonctionne nos services de renseignement en matière de lutte antiterrorisme. Sans tenir compte de l’aspect judiciaire ou de l’organisation des forces d’intervention (le RAID, le GIGN et la BRI…), je te mets au défi de me décrire, ne serait-ce que de manière succincte et approximative, comment la République s’est organisée pour repérer les cellules djihadistes qui nous menacent.

Ça fait un an et demi que j’essaie. Je n’y comprends toujours rien. À chaque fois qu’un schéma organisationnel s’est frayé un chemin jusque sous mes yeux de modeste citoyen, il n’a pas fallu plus de 24 heures pour qu’un spécialiste du sujet explique qu’il était faux ; sans que, soit dit en passant, ledit spécialiste ne prenne le risque de m’éclairer.

Au mieux et en croisant plusieurs sources, suis-je parvenu à dresser une liste des différentes structures qui, à des degrés divers, semblent participer à cet effort si essentiel. Voici ce que j’ai trouvé :

— La Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Créée en 1982, elle est placée directement sous l’autorité du Ministère de la Défense. C’est le service de renseignement extérieur de la France, chargé de l’espionnage et du contre-espionnage et donc aussi de la lutte anti-terrorisme.

— La Direction du Renseignement Militaire (DRM). Créée en 1992, elle dépend du Chef d’État-Major des Armées (CEMA) qui est lui-même placé sous l’autorité du Président de la République et du Gouvernement. Elle est chargée du renseignement tactique et stratégique sur les théâtres d’opération.

— La Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD). Créée en 1981, elle dépend directement du Ministère de la Défense. Elle intervient manifestement « en matière de sécurité du personnel, des informations, du matériel et des installations sensibles. »

— La Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED). Créée en 1988, elle est rattachée à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) du Ministère des Finances et des Comptes publics. Elle est chargée de mettre en œuvre la politique du renseignement, du contrôle et de la lutte contre la fraude en matière douanière.

— Le service Traitement du Renseignement et de l’Action contre les Circuits Financiers clandestins (Tracfin). Créé en 1990, c’est une des directions du Ministère Finances et des Comptes publics, au même titre que la DGDDI. C’est un service qui enquête sur la fraude financière, notamment dans le cadre du financement du terrorisme.

— La Direction générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). Créée en 2014 pour remplacer la DRCI elle-même issue de la fusion de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) et de la direction centrale des Renseignements Généraux (RG) en 2008. Elle dépend directement du Ministère de l’Intérieur et est chargée du contre-espionnage et de la lutte antiterroriste à l’intérieur de nos frontières.

— La Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT). Créée Dieu seul sait quand, elle dépend de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) au sein de la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN) du Ministère de l’Intérieur. Installée dans les mêmes locaux que la DGSI, elle est manifestement chargée des enquêtes liées au terrorisme.

— Le Service Central du Renseignement Territorial (SCRT). Créé en 2014, il dépend de la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP) au sein de la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN) du Ministère de l’Intérieur. Ce service reprend manifestement les missions autrefois confiées aux Renseignement Généraux.

— La Direction du Renseignement de la Préfecture de Police de Paris (DRPP). Créée en 2008, elle fait partie de la Préfecture de Police de Paris qui est elle-même placée sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur. Il semble qu’elle assure les mêmes missions que le SCRT mais à Paris et dans la petite couronne.

— Le Bureau de la Lutte Anti-Terroriste (BLAT). Créé en 2003, il dépend la Sous-Direction de la Police judiciaire (SDPJ) qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, dépend de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). Le BLAT intervient dans le renseignement et la répression anti-terroriste.

— La Sous-Direction de l’Anticipation Opérationnelle (SDAO). Créé en 2013, elle dépend aussi de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). La SDAO est un service de renseignement qui interviendrait, si j’ai bien compris, « en soutien » au BLAT.

— Enfin, le Bureau du Renseignement Pénitentiaire (BRP). Créé allez savoir quand, il dépend de la Sous-Direction des Missions de la Direction de l’Administration Pénitentiaire du Ministère de la Justice. Comme son le nom le suggère, le BRP est chargé des activités de renseignement dans les prisons.

Bref, si tu veux bien me pardonner l’expression, Ô lecteur, c’est un innommable bordel. En supposant — et rien ne me permet de l’affirmer — que cette liste est exhaustive, je compte douze structures ; douze structures dont les missions et attributions me semblent parfois largement redondantes ; douze structures qui ont, pour autant que je puisse en juger, leurs propres chaînes de commandement, leurs propres organisations, des systèmes peu ou pas partagés ; douze structures qui, si j’en crois ce que je lis, ne collaborent que partiellement quand elle ne se tirent pas carrément dans les pattes.

J’en veux pour preuve, si tu avais encore un doute, que cette organisation porte le sceau infâmant des machins administratifs qui ne fonctionnent pas : une Structure de Coordination. Pardon, pas une structure mais trois. Sauf erreur de ma part (et, mon Dieu, c’est bien possible pour ne pas dire probable), la coordination de nos efforts de renseignement est assurée par :

— Le Conseil National du Renseignement (CNR). Créé en 2008 et présidé par le Président de la République, il assure la coordination des six services constituant la « communauté française du renseignement » (i.e. la DGSE, la DGSI, la DRM, la DPSD, la DNRED et Tracfin.)

— L’Unité de Coordination de la Lutte AntiTerroriste (UCLAT). Créée en 1984 et rattachée au cabinet du directeur général de la Police Nationale (Ministère de l’Intérieur), elle est supposée — si j’ai bien compris — coordonner la DGSI, la DGSE, le BLAT, la DNRED, le BRP et la DPSD.

— L’État-Major Opérationnel de Prévention du Terrorisme (EMOPT). Créé en 2015 et directement rattaché au ministre de l’Intérieur, qui — d’après ce que j’ai lu — coordonne le suivi des « personnes radicalisées » pour « s’assurer que celui-ci est bien effectif. »

Je n’ai, Ô lecteur, aucune prétention en matière de renseignement en général et de lutte contre le terrorisme en particulier. Néanmoins, m’intéressant à la théorie des organisations depuis quelques années et en ayant vu quelques-unes fonctionner (ou pas), je puis avec certitude te dire une chose : un bordel pareil n’a aucune chance de fonctionner. Même avec les meilleurs spécialistes équipés des meilleurs outils, mêmes en partant du principe que tous collaborent en mettant leurs égos de côté, même en multipliant les financements et les dispositifs légaux : ça ne peut pas marcher. Même pas en rêve.

Dans son rapport publié le 5 juillet, la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme proposait — je cite — de « créer une agence nationale de lutte antiterroriste, rattachée directement au Premier ministre, en charge de l’analyse de la menace, de la planification stratégique et de la coordination opérationnelle. » Cette proposition ne m’inspire qu’une seule réflexion : comment est-il seulement possible que ce ne soit pas déjà le cas ?

Là où l’ennemi se terre avant de nous frapper

Puisqu’il est bien entendu que les terroristes se réclament de l’Islam, se pose inévitablement la question du nombre de musulmans qui vivent parmi nous. Las, ce type de statistiques étant illégales [1], on ne dispose pas de chiffres précis et, en l’absence de données officielles, l’estimation du nombre d’adeptes de l’Islam devient malheureusement une affaire de perception — et parfois même d’imagination — ce qui, par les temps qui courent, conduit nos compatriotes à le surestimer massivement.

Quand, en 2014, l’institut Ipsos MORI demandait à un panel de français d’estimer la proportion de musulmans dans la population totale [2], la réponse moyenne était de 31% ; soit, juste pour vous donner une idée, environ deux fois et demi l’estimation du Front National (8 millions, soit un peu plus de 12%). Sur les 14 pays dans lesquels cette étude a été menée, c’est nous qui surestimons le plus ce chiffre ; nos voisins belges arrivent en deuxième position et sont suivis des canadiens.

L’Islam, combien de bataillon ?

Avant de se lancer dans des estimations, il faut se mettre d’accord sur ce que l’on entend par « musulman ». De façons très schématique, on peut distinguer deux groupes : celles et ceux je vais appeler les musulmans « actifs », c’est-à-dire les individus qui se réclament de l’Islam au sens religieux du terme et, par opposition, les musulmans « passifs », c’est-à-dire les gens issus d’une famille de tradition musulmane mais qui ne s’estiment pas eux-mêmes musulmans. Évidemment, ces deux cercles ne sont pas concentriques puisque les musulmans actifs compteraient dans leurs rangs, selon l’Ined et l’Insee, entre 70 000 et 110 000 convertis qui, par définition, ne sont pas issus de familles musulmanes.

Si l’on retient l’ensemble de ces deux groupes, c’est-à-dire la « communauté musulmane » au sens large, les différentes estimations qui circulent évoquent entre 6 et 9 millions d’individus [3] — d’où, sans doute, les 8 millions de musulmans du Front National.

Mais si l’on se concentre sur les musulmans actifs, celles et ceux qui se revendiquent de l’Islam (y-compris les convertis), le travail le plus sérieux réalisé à ma connaissance est celui de Patrick Simon et Vincent Tiberj [4] qui, en extrapolant les résultats d’une étude qu’ils avaient réalisé pour Ined et Insee en 2010 [5], estimaient que la France comptait entre 4 et 4.3 millions de fidèles. De façon assez intéressante, le chiffre de 4 millions correspond aussi au haut de la fourchette estimée, en utilisant d’autres méthodes, par Jean-Paul Gourévitch. Bref, si par « musulmans » vous entendez celles et ceux qui se définissent comme des fidèles de l’Islam, le chiffre de 4 millions d’individus — soit 6.2% de la population française — semble une estimation tout à fait raisonnable.

Vérifiez vos biais

Si ce chiffre vous étonne, il n’est pas peut-être inutile de corriger quelques biais. D’abord, si vous vivez en Seine-Saint-Denis, il est très vraisemblable que ce chiffre de 6.2% vous semble très inférieur à la réalité. En vous avez raison : il se trouve que la population musulmane est géographiquement très concentrée — principalement dans les zones urbaines, en région parisienne, autour de Lyon et dans le sud-est — et qu’en Seine-Saint-Denis, effectivement, il y a beaucoup plus de musulmans qu’ailleurs et que dans tout l’ouest du pays notamment.

Ensuite, ce n’est pas parce que quelqu’un a vaguement l’air « arabe » ou « africain » qu’il est nécessairement musulman. Outre les très nombreux magrébins, immigrés de seconde ou troisième génération, pour qui l’Islam n’est rien d’autre qu’une vieille tradition familiale, êtes-vous certains de savoir distinguer un libanais maronite d’un libanais musulman ? Tenez-vous compte du fait que l’écrasante majorité (plus de 90%) des immigrés qui nous viennent d’Afrique guinéenne ou centrale est chrétienne ou athée ?

Enfin, viennent tous les biais cognitifs classiques : l’Islam étant — pour des raisons parfaitement légitimes — au cœur de l’actualité, nous avons naturellement tendance à remarquer des choses qui, en temps normal, nous paraitraient parfaitement anodines et ce, d’autant plus si vous êtes convaincu par la thèse du « grand remplacement » (ça s’appelle un biais de confirmation). Ajoutez à ça la tendance de notre sphère politico-médiatique à monter en épingle la moindre anecdote liée à un sujet à la mode, et vous finissez par avoir une vision totalement biaisée de la réalité.

Le bon grain et l’ivraie

Et quand on dit 4 millions de croyants, encore faut-il détailler les différentes réalités que ça recouvre. La dernière enquête de l’Ifop [6] sur ce thème est particulièrement instructive puisqu’elle nous apprend, entre autre, que pas moins de 45% des croyants ne s’estiment pas pratiquants et que, même parmi celles et ceux qui se disent pratiquants, le « niveau » de pratique varie substantiellement. Typiquement, 68% des pratiquantes déclarent ne jamais porter de voile et près de 30% d’entre-elles accepteraient sans difficulté que leur fille épouse un non-musulmans [7].

Tout confondus et en rajoutant les convertis, le chiffre de 3 millions de pratiquants n’est sans doute pas très loin de la réalité. Encore faut-il savoir combien, parmi ceux-là, souscrivent à une interprétation rigoriste, littérale ou radicale de l’Islam c’est-à-dire les fameux salafistes. D’après Samir Amghar, docteur en sociologie à l’EHESS, les renseignements généraux estiment que les salafistes sont entre 12 000 et 15 000 en France [8]. Évidemment, ça fait beaucoup de gens mais rapporté à nos 3 millions de pratiquants, ça ne pèse guère plus de 0.4% à 0.5%. On est donc assez loin d’une majorité.

Or, au chapitre des idées reçues qu’il convient de rappeler que tous les salafistes, loin de là, ne sont pas des candidats au jihad. La plupart de ceux qui vivent en France, en réalité, appartiennent au mouvement dit quiétiste c’est-à-dire qu’ils pratiquent un Islam très rigoriste mais non-violent et sont même les premiers à s’opposer aux djihadistes. Les sbires d’al-Qaïda et de l’État Islamique sont une infime minorité ; le chiffre de 5 000 qui circule habituellement n’est probablement qu’un ordre de grandeur qui inclue les quelques 2 000 imbéciles partis en Irak et en Syrie.

Alors évidemment, 5 000 terroristes potentiels, c’est à la fois beaucoup quand on constate les dégâts commis par un seul d’entre eux à Nice et très peu : quelque chose comme 0.1% des 4 millions de musulmans actifs et 0.06% de la communauté musulmane au sens large ; autant dire une aiguille dans une botte de foin. Mais là où les choses deviennent encore plus compliquées, c’est quand on prend en compte l’évolution qu’a connu le profil de la population djihadiste depuis 2013 : de plus en plus, ce sont des convertis.

Tous suspects

Selon l’islamologue Bernard Godard [9], les convertis seraient entre 80 000 et 100 000 (une fourchette cohérente avec celle de L’Ined/Insee citée plus haut), il y en aurait 4 000 nouveaux tous les ans et la plupart auraient été élevés dans des familles « de souche » et de tradition chrétienne. Évidemment, tous, loin de là, ne versent pas dans l’Islam radical et violent mais tous les spécialistes du terrorisme djihadiste le confirment — notamment David Thomson [10] — et c’est loin d’être marginal : si ceux qui nous ont frappé jusqu’ici restent issu de l’immigration plus ou moins récente, l’État Islamique recrute désormais massivement chez les convertis.

Ils s’appellent Maxime, Mickaël, Hélène, Nicolas ou Jean-Daniel (ces deux-là sont frères). Ce sont des gamins sans histoire, issus des classes moyennes, français « de souche », souvent élevés dans des familles chrétiennes et ce sont aujourd’hui parmi les pires fanatiques l’État Islamique et même parfois des cadres de l’organisation. Fin 2013, le Ministère de l’Intérieur estimait [11] que plus d’un djihadiste sur cinq partis en Syrie ou en Irak avait été élevé dans une famille non-musulmane. Selon la même source, pas moins de 48% des 4 576 signalements (dont 2 700 jugés pertinents) effectués via la plateforme Stop jihadisme depuis son ouverture en avril 2014 concernaient des convertis [12].

Ce que ça signifie, concrètement, c’est que notre ennemi ne se cache ni dans la communauté musulmane au sens large ni parmi les pratiquants ni même dans les mosquées salafistes. Notre ennemi est potentiellement partout. Homme ou femme (39% des signalements), immigré ou « de souche », religieux ou pas : nous cherchons 5 000 tueurs potentiels dans une population de plus de 36 millions de suspects (tous les français âgés de 20 à 64 ans) ; soit une fréquence de base de l’ordre de 0.014%. Autant dire que toute tentative de traitement statistique via un système de surveillance de masse — que ce soit en ligne ou dans nos rues — est vouée à l’échec.

Alors si vous voulez considérer que nous sommes en guerre, soit. Mais de grâce, reconnaissez au moins qu’il ne s’agit pas d’une guerre conventionnelle. Notre adversaire est une organisation terroriste qui — c’est le concept — cherche à nous terroriser pour nous inciter à faire ce qu’elle attend de nous. Comme je suppose que nous sommes tous d’accord pour dire que nous voulons gagner cette guerre, je ne saurais que trop vous encourager à vous poser les deux questions les plus fondamentales : que veut l’ennemi et comment faire en sorte qu’il ne l’obtienne pas ? À l’issue de vos réflexions — que j’espère aussi froides et rationnelles que possible — vous conclurez avec moi que renoncer à nos libertés au profit d’une sécurité illusoire et taper indistinctement sur tous les musulmans (ou présumés tels) sont les pires options qui s’offrent à nous ; les germes d’une défaite assurée.

---
[1] Loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui, elle-même, fait suite à une loi de 1872 et dispose dans son article 8 qu’il est interdit « de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »
[2] Voir Perceptions are not reality: Things the world gets wrong (29 octobre 2014)
[3] Voir, notamment, Jean-Paul Gourévitch, La vérité sur le nombre de musulmans en France (janvier 2015)
[4] Voir Patrick Simon et Vincent Tiberj pour l’Ined, Sécularisation ou regain religieux : la religiosité des immigrés et de leurs descendants (juillet 2013).
[5] Voir Ined/Insee, Trajectoires et Origines — Enquête sur la diversité des populations en France, chapitre 16 (octobre 2010).
[6] Ifop pour la Croix, Enquête sur l’implantation et l’évolution de l’Islam de France (juillet 2011)
[7] 29% n’y voient aucun inconvénient et 27% l’accepteraient mais à regret. Seules 27% des musulmanes pratiquantes ne l’accepteraient en aucun cas (contre 1% des croyantes non-pratiquantes).
[8] Voir La Dépèche, Dans les banlieues sensibles, le jihad séduit une « ultra-minorité » (mars 2012).
[9] Cité dans Le Parisien, Paroles de nouveaux convertis à l'islam (octobre 2012).
[10] Voir, notamment, sur Slate, « Même lorsqu'ils tuent, les djihadistes sont convaincus de faire le bien » (mars 2016).
[11] Voir l’Express, Pourquoi y a-t-il tant de convertis parmi les djihadistes français de l’Etat islamique ? (novembre 2014)
[12] Voir La Dépèche, Numéro vert « anti-jihad » : le nombre de signalements en forte hausse depuis un an (avril 2016).

Pas de faille Monsieur Cazeneuve ? Vraiment ?

Monsieur le Ministre,

Comme malheureusement trop peu de nos concitoyens, j’ai pris le temps de lire avec attention le rapport de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme présidée par M. Georges Fenech est publiée ce mardi 5 juillet 2016.

Je voudrais, si vous le permettez, vous citer deux courts extraits issus des comptes rendus des auditions qui me semblent particulièrement importants. Verbatim :

« Des attentats comme ceux du 13 novembre marquent bien un échec du renseignement extérieur. »

et :

« Les attentats de 2015 représentent un échec global du renseignement. »

Qui sont les auteurs de ses sévères jugements ? Eh bien il s’agit de Messieurs Bernard Bajolet et Patrick Calvar, respectivement directeur général de la DGSE et directeur général de la DGSI.

C’est-à-dire que ces messieurs à qui l’on peut, vous me l’accorderez, prêter quelques compétences en la matière nous informent sans aucune ambiguïté possible que les services de renseignement — services dont ils étaient l’un et l’autre en charge au cours de l’année et demi écoulée — ont globalement foiré.

Vous comprendrez donc, Monsieur le Ministre, que vos affirmations réitérées selon lesquelles il n’y aurait pas eu de faille dans notre lutte contre le terrorisme en général et en matière de renseignement en particulier résonne — comment dire ? — douloureusement à la lecture de ces propos.

Voilà une année et demie, Monsieur le Ministre, que le simple citoyen que je suis s’intéresse à cet ennemi qui nous veut tant de mal et aux moyens mis en œuvre par l’État pour le contrer. N’ayant, en la matière, pas la moindre compétence, je fais ce que font les gens raisonnablement éduqués font en pareille occasion : je lis avec la plus grande attention ce qu’en disent les experts et je croise leurs opinions pour me faire un avis.

Or, Monsieur le Ministre, tous les experts du terrorisme en général et du djihadisme en particulier que j’ai eu à lire jusqu’ici s’accordent sur un point : sans un renseignement efficace, point de salut. C’est, pour autant que je puisse en juger, l’unanimité et c’est aussi une des principales conclusions de la commission d’enquête citée plus haut.

Du renseignement Monsieur le Ministre. Du vrai renseignement et pas du chalutage sur Internet, méthode qui — n’importe statisticien vous le confirmera — n’aura aucun autre effet que de noyer les analystes de nos services sous un raz-de-marée de faux-positifs. Du vrai renseignement comme nous savions si bien le faire avant que Monsieur Sarkozy nous prive de cette première et si essentielle ligne de défense. Du vrai renseignement qui, des rues de Raqqa aux caves de nos cités, collecte de l’information, la traite efficacement et l’utilise dans le cadre de nos lois.

Monsieur le Ministre, le fait est que la politique menée jusqu’ici est un échec patent dont le coût se mesure maintenant en centaines de vies humaines et que la seule ligne de conduite que vous nous proposez consiste à faire encore plus de ce qui ne marche manifestement pas. J’observe, par ailleurs, qu’une commission d’enquête animée par l’excellent réflexe qui consiste à se faire conseiller par des spécialistes vous a fait un certain nombre de propositions ; propositions que vous avez balayé d’un revers de main.

Il va falloir vous justifier Monsieur le Ministre ; il va falloir vous justifier sérieusement et, de grâce, supprimer ce « pas de faille » de votre langage.

La surveillance de masse est statistiquement inopérante

Au chapitre des fausses bonnes idées en matière de lutte antiterrorisme, la surveillance de masse – ou le chalutage si vous préférez – continue manifestement à faire rêver celles et ceux qui nous gouvernent ou prétendent le faire. Au-delà des évidentes questions morales que ce type de système pose, il y a un aspect qui semble ne pas être encore tout à fait évident pour tout le monde : la surveillance de masse, ça ne fonctionne pas.

Je reposte ici un papier initialement publié le 10 avril 2015 qui faisait suite à cet article.

« La grande question que nous devrions tous nous poser est : sachant que notre système de surveillance vient de générer une alerte, quelle est la probabilité qu’il ait effectivement repéré un terroriste ?

« Pour répondre à cette question, nous allons devoir faire appel au théorème de Bayes et évaluer trois probabilités :

« Primo, la fréquence de base ; c’est-à-dire la proportion de terroristes dans la population – le chiffre de 3 000 individus circule ce qui, rapporté à la population française âgée de 20 à 64 ans (37,8 millions d’individus [1]) nous donne une fréquence de base de l’ordre de 0,008%.

« Deuxio, le taux de précision du système de surveillance ; c’est-à-dire la probabilité qu’un terroriste génère effectivement une alerte – par hypothèse, nous allons retenir un taux extrêmement élevé de 99%.

« Tercio et pour finir, nous avons également besoin du taux d’erreur ; c’est-à-dire de la probabilité qu’un innocent soit accusé à tort par le système – prenons, là encore, une hypothèse très optimiste de 1%.

« Ce que nous dit le théorème de Bayes c’est qu’avec ces paramètres, la probabilité qu’une alerte ait effectivement identifié un terroriste est de l’ordre de 0,78%. Non, ce n’est une typo : concrètement, notre système va générer 380 940 alertes dont 2 970 vrais positifs (99% des 3 000 terroristes) et 377 970 faux positifs : soit 1% des 37 797 000 citoyens innocents comme vous et moi.

« En d’autres termes, même en prenant des hypothèses hautement irréalistes quant au taux de précision et au taux d’erreur d’un hypothétiques système de surveillance de masse, on aboutit à rien d’autre qu’une déperdition colossale d’énergie. La surveillance de masse en matière d’antiterrorisme est statistiquement impossible. »

Addendum (2016-07-19 @ 13:42) : juste pour que les choses soient claires : cet argument n’a rien de nouveau ; c’est un biais cognitif classique depuis les années 1970 (on utilise habituellement l’exemple d’un test pour une maladie rare). Il existe même une fiche sur Wikipédia.

---
[1] Au 1er janvier 2015 selon l’Insee.

Les plans de l’ennemi

La stratégie de l’adversaire nous est connue. Elle est née sous la plume d’un certain Abou Moussab al-Souri [1], un djihadiste originaire de Syrie souvent présenté comme la tête pensante d’al-Qaïda. Fin 2004 ou début 2005, al-Souri a publié un Appel à la résistance islamique globale, un pavé de 1 600 pages dans lequel il théorise le nizam, la tanzim (« un système, pas une organisation »), le djihad décentralisé à l’échelle planétaire, lequel peut se résumer par son mode opératoire et son objectif stratégique.

Le mode opératoire, c’est la décentralisation. L’idée défendue par al-Souri, c’est une sorte de jihad open source dans lequel le rôle de la structure centrale — aujourd’hui l’État Islamique — se limite pour l’essentiel à inspirer des « loups solitaires » ou de petites cellules autonomes qui agissent en son nom mais sans bénéficier d’un réel soutien logistique. C’est le concept clé du nizam, la tanzim : en l’absence d’organisation structurée on se limite à de petites opérations symboliques mais on n’est d’autant plus difficile à repérer.

L’objectif de ce « jihad du pauvre » est assez bien décrit par ce que Yuval Noah Harari appelle la stratégie de la mouche. Ce que l’État Islamique (la mouche) cherche à obtenir de nous (l’éléphant), c’est une violente poussée d’islamophobie qui, espèrent-ils, poussera les musulmans qui vivent parmi nous dans leurs bras. J’insiste : il n’y a là aucune interprétation de ma part ; c’est explicite dans le texte d’al-Souri et c’est exactement ce qu’écrit Daesh dans sa propagande [2] :

« Les musulmans des pays occidentaux vont maintenant rapidement se retrouver face à un choix, soit ils s’apostasient et adoptent la religion mécréante propagée par Bush, Obama, Blair, Cameron, Sarkozy et Hollande pour vivre au milieu des mécréants, soit ils font leur hijra [3] jusqu’à l’État Islamique et ainsi échappent à la persécution des gouvernements et citoyens croisés. »

Face à ça, ma conviction personnelle c’est que nous devons mener un combat sur deux fronts. Le premier, c’est celui du renseignement ; l’ensemble des méthodes et organisations que nous mettrons en place pour repérer et neutraliser les cellules adverses avant qu’elles ne passent à l’acte. Le second front, c’est celui des idées ; c’est la stratégie que nous devons mettre en œuvre pour anéantir la propagande de Daesh et donc sa capacité de recrutement.

---
[1] Né Mustafa bin Abd al-Qadir Setmariam Nasar.
[2] Dabiq, février 2015.
[3] Hégire, l’immigration des musulmans en terre d’Islam. Il semble que, face à ses revers récents sur le terrain, le discours de l’État Islamique a quelque peu évolué sur ce point : ils recommandent désormais aux candidats djihadistes de frapper là où ils vivent.

Chinese first and last names (the short version)

Just like many westerners, it took me some time to understand how the first/last name etiquette works in China. Thankfully, thanks to Wu Chenli, one of my former students, I finally got it or, at least, I got it less wrong in the context of a professor/student relationship.

Just to make it clear for all westerners, in China the last name (usually monosyllabic) comes first and the first name comes afterward. For instance, when referring to the president of the PRoC, you should say Xi Jinping (last/first name; like “Smith John”) or, to mark respect, use a combination of title plus last name — Mr. Xi or President Xi.

Just like in most western cultures, using just Jinping (e.g. “John”) is colloquial and friendly. This is the way you would talk to a friend or a member of your family. Yet, there is an exception: when talking to a friend whose first name also is monosyllabic (e.g. “Liu Han”), you should use his full last/first name as calling someone with just one syllable (“Han”) sounds weird to most Chinese people (not rude, just weird).

To sum it up, as a teacher talking to one of my students, I should use the “Wu Chenli” form unless I want to reduce distance between us in which case I may use “Chenli”. The other way around, my students would call me “Mr. Nicoulaud” or “Professor” (which is much less formal that we think) and may, in a more friendly relationship, use my first name.

To be clear: I’m pretty sure that my depiction of the Chinese system is simplistic and that there are myriads of nuances and social conventions I’m not aware of. But if you think about it, most of the difference between the French system and a Chinese system may be safely summarized has: “just reverse the last/first name order” — full stop.

(If you are Chinese, either by nationality or culturally, your comments and objections are highly appreciated.)

Votre mot de passe

On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...