Déménagement.

Ordre Spontané déménage. Vous me retrouverez désormais sur ordrespontane.tumblr.com. Pensez à mettre à jour vos feeds.

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4 juillet 2015 : Changement d'avis. Finalement, je reviens sur Blogger.

Les racistes ont déjà perdu

Mike Wallace : « So how do we get rid of racism?
Morgan Freeman : Stop talking about it. » [1]

En théorie et même si la chose présentera sans doute quelques difficultés d’ordre technique, il possible de croiser un Mastiff et un Chihuahua et d’obtenir à la clé des chiots hybrides qui seront non seulement viables mais capables de se reproduire entre eux. Évidemment, c’est un cas extrême ; en général, on prend soin d’hybrider des races de chiens dont les gabarits sont à peu près compatibles — c’est le cas, par exemple, du Husky d’Alaska et du Pointer anglais qui permettent d’obtenir des Eurohounds. Si ces petits bricolages sont possibles, c’est tout simplement que tous les chiens au même titre que les loups et les dingos appartiennent à la même espèce, ce sont tous des Canis lupus. En gros, le chien est un loup domestiqué par l’homme — oui, même les Yorkshires — et le dingo est un chien retourné à l’état sauvage.

C’est la définition la plus largement acceptée de la notion d’espèce, celle d’Ernst Mayr (1942) : on considère que deux individus appartiennent à la même espèce s’ils sont capables de se reproduire entre eux et si leur descendance est à son tour féconde. Typiquement, on considère que les chevaux et les ânes forment deux espèces différentes parce que les mulets ne le sont que très rarement. Or voilà, les enfants d’un papa papou et d’une maman inuit n’auront aucune difficulté à se reproduire avec ceux d’un père danois et d’une mère masaï. Il se trouve qu’Homo Sapiens est une espèce relativement jeune (environ 200 000 ans) et donc génétiquement très homogène.

Un contre-exemple intéressant, déjà évoqué ici, c’est la rencontre d’Homo Sapiens et de Neandertal. S’il est désormais à peu près certain qu’il y a bien eu un flux de gènes entre ces deux groupes, on est aussi à peu près sûrs les enfants nés de ces unions préhistoriques ont été, au moins en très grande partie, infertiles [2]. Il a fallu un demi-million d’années d’évolutions séparées pour que l’existence d’une barrière reproductive justifie qu’on considère Neandertal comme une espèce distincte — quoique très proche — de la nôtre. Un demi-million d’années !

Donc, ce que les racistes comme les antiracistes appellent une race humaine, c’est une sous-espèce, comme chez Canis lupus. Il y a probablement une bonne centaine de milliers d’années, nos lointain ancêtres sont quitté le berceau originel de notre espèce — sans doute l’Afrique de l’est — pour coloniser progressivement le reste du monde : l’Asie, l’Europe, les deux continents américains et même l’Australie. Chemin faisant, ils se sont adaptés à ces différents milieux et ont développé les caractéristiques physiques que nous connaissons aujourd’hui sachant, rappelons-le, qu’une centaine de millénaires, à l’échelle de l’évolution biologique, c’est ridicule.

Schématiquement, on peut appeler cette première grande étape de notre histoire la « grande divergence ». En se séparant géographiquement pour coloniser jusqu’au moindre recoin de la planète, nos ancêtres se sont physiquement différenciés. Bien sûr, c’est une vision très grossière : depuis le départ, il est plus que probable que des groupes différents se soient croisés et aient brassé leurs gènes. Reste que, jusqu’à une période très récente, les familles de papa papou et de maman inuit ne s’étaient sans plus vues depuis quelques dizaines de milliers d’années.

Sauf que voilà, avec la chute vertigineuse des temps et des coûts de transport et avec les progrès non moins vertigineux de nos moyens de communication, nous vivons à l’âge de la grande convergence. Très concrètement et que ça vous plaise ou non, il est absolument inévitable que le processus de différenciation s’inverse ; à plus ou moins brève échéance et même si ça doit prendre plusieurs milliers d’années, l’humanité va se métisser.

Naturellement, pour les racistes de toutes origines, cette idée est insupportable. Ils peuvent rêver d’une gestion autoritaire de la reproduction de nos descendants pour ralentir le processus mais, de toutes évidences et à supposer qu’une telle horreur soit un jour mis en place à l’échelle planétaire, elle a peu de chance de durer. Leur combat est perdu d’avance : le grand brassage aura lieu ; ce n’est plus qu’une question de temps.

Alors évidemment, j’imagine que ça signifie que les blonds aux yeux bleus — dont je suis — finiront par disparaître. Je ne peux pas dire que j’accueille cette perspective avec enthousiasme ni qu’elle suscite chez moi une inquiétude particulière : de toute manière, ça finira par arriver. Finalement, nous n’aurons été, le temps de quelques millénaires, qu’un accident génétique intéressant que nos lointains descendants considèreront sans doute avec la plus grande curiosité.

Je m’adresse donc ici à celles et ceux d’entre nous qui se réclament de la lutte antiracisme et qui, à des degrés divers, voudraient jouer les ingénieurs sociaux en sanctionnant les propos racistes, en promouvant la diversité ou que sais-je encore. Ça ne sert à rien. Les racistes ont déjà perdu et toutes leurs gesticulations n’y pourront absolument rien. Ils sont comme ces enfants qu’on voit le long des plages construire de châteaux de sable en espérant arrêter la marée : l’expérience, sinon un minimum d’intelligence, finira par leur apprendre que l’océan gagnera toujours.

Par ailleurs, il faudra bien un jour que vous compreniez que vos gesticulations, vos grands discours et vos lois produisent exactement l’effet inverse de celui que vous poursuivez. Ça ne marche pas ! Voilà bien 200 000 ans que nous nous passons d’ingénieurs sociaux, que nos sociétés évoluent d’elles-mêmes et à chaque fois que quelqu’un s’est piqué d’organiser une société par le haut, ça s’est terminé en catastrophe. Alors laissez faire, nom de Dieu ! Laissez faire ! Est-ce si difficile ? Ces choses-là prennent du temps, beaucoup de temps, parce que le temps est nécessaire et, accessoirement, je vous rappelle qu’il joue dans votre camp.

Morgan Freeman a raison, mille fois raison : arrêtons d’en parler !

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[1] Dans 60 Minutes, sur CBS, le 15 décembre 2005.
[2] Ewen Callaway, Modern human genomes reveal our inner Neanderthal, Nature, 29 janvier 2014.

Un nouveau jeton dans le manège

« S’il n’y avait qu’un dollar à prêter et si quelqu’un désespérait de l’avoir, le taux d’intérêt serait usuraire. S’il y avait des trillions de dollars de crédit disponible mais si personne, pour une raison ou une autre, ne souhaitait les emprunter, alors les taux seraient à 0,01% comme ils le sont aujourd’hui et l’ont été ces cinq dernières années. »

Cette analyse qui date déjà de quelques mois est de Bill Gross et je n’en ai pas lu de meilleure. Tout est là : le système bancaire est gorgé de liquidités et bénéficie de conditions de refinancement historiquement attractives mais, de toutes évidences, les emprunteurs potentiels — et en particulier les entreprises — ne semblent absolument pas décidés à donner suite aux injonctions de nos banquiers centraux. Non, ils ne veulent pas s’endetter. Non, ils ne veulent pas investir. Non, les dirigeants d’entreprises ne sont pas des organismes monocellulaires qui réagissent mécaniquement aux stimuli du planificateur monétaire.

À titre personnel comme à titre professionnel, ni vous ni moi ne souhaitons accroître notre endettement et il est même fort probable que la plupart d’entre nous soient dans la démarche exactement inverse. Investir, c’est avant tout un acte de confiance en l’avenir et le moins que l’on puisse dire c’est que l’avalanche fiscale et règlementaire des dernières années n’incite pas véritablement à l’optimisme. M. Draghi pourra baisser le taux directeur de la BCE à 0,01% et laisser libre cours à son imagination en matière de rachat d’actifs, il n’obtiendra pas plus de résultats que ses homologues de la Fed : ce n’est pas en versant plus d’eau dans son abreuvoir qu’on fera boire un cheval qui n’a pas soif.

Et ce, d’autant plus lorsque les réglementations prudentielles édictées par ces mêmes banques centrales incitent les banques à délaisser entreprises et particuliers pour favoriser les emprunts d’État. C’était déjà le cas avec Bâle I et II ; avec Bâle III c’est pire encore. Si la régulation et la règlementation n’ont manifestement pas permit d’éviter une crise bancaire, il est en revanche tout à fait clair qu’elles sont en train de faire disparaître purement et simplement le métier de banquier. On rappellera ici que si le shadow banking existe et se développe, c’est précisément parce que le législateur empêche les banques de faire leur métier.

Que penser, dès lors, des dernières annonces de nos banquiers centraux ? Eh bien, à la valeur de nos monnaies près, pas grand-chose et sans doute même rien. Ça ne fonctionnera pas et le seul effet concret dont ceux qui défendent encore ce type de politiques peuvent s’enorgueillir, c’est la création de la plus gigantesque bulle obligataire jamais observée. Un jour où l’autre, il faudra bien qu’elle éclate ; ce sera, n’en doutons pas, pour nos apprentis sorciers l’occasion de dénoncer les méfaits de la finance dérégulée, le mythe de la main invisible, les ravages de l’ultralibéralisme — que sais-je encore ? — et de réclamer qu’on remette un nouveau jeton dans le manège.

Le dernier des Neandertals

Il y a environ 28 000 ans, au pied du rocher de Gibraltar, le dernier groupe de Neandertal connu s’éteignait définitivement. Ça faisait, à vrai dire, un moment que nos cousins n’étaient pas en très grande forme : on considère aujourd’hui que leur espèce avait déjà pratiquement disparu d’Europe il y a pas moins de 40 000 ans.

Pourtant, Neandertal n’était ni l’imbécile pour lequel on a voulu le faire passer ni une chiffe molle. En plusieurs centaines de milliers d’années, il avait appris à fabriquer des outils et il s’était parfaitement adapté aux rigueurs climatiques d’Europe et d’Asie. Mais cette fois-ci, c’était bel et bien la fin et cette fin coïncidait avec deux évènements majeurs dans l’environnement de Neandertal. Le premier, c’est une période changements climatiques particulièrement intense qui pourraient être à l’origine de la disparition de la mégafaune — les mammouths laineux entre autres — qui composaient la base de l’alimentation de notre cousin. Le second, c’est notre arrivée.

Nous, c’est Homo Sapiens. Nous avons quitté notre Afrique de l’est natale, le berceau commun du genre Homo, il y a une bonne centaine de milliers d’années — soit plusieurs centaines de milliers d’années après les ancêtres de Neandertal. Nous avons traversé le Sinaï, colonisé le Moyen-Orient puis l’Asie du sud et, enfin, il y a environ 45 000 ans, nous avons commencé à nous installer en Europe.

Le fait est que, dans une période de stress alimentaire lié à la disparition des proies de grande taille, nous avions un avantage décisif à faire valoir face à notre cousin : il était petit, trapu et particulièrement glouton ; nous étions grands, légers et bien plus économes en énergie [1]. Pour autant, cette différence ne suffit sans doute pas à expliquer l’extinction de Neandertal ; il faut bien se rendre à l’évidence : nous avons probablement une part de responsabilité dans son funeste sort.

Alors évidemment, on pense immédiatement à tout un tas de choses abominables : nous aurions amené avec nous des maladies auxquelles Neandertal n’était pas préparé, nous lui aurions fait une concurrence déloyale lors de nos chasses ou, pire encore, nous aurions purement et simplement éliminé physiquement un concurrent dans un monde de ressources qui se raréfient.

Seulement voilà, il y a une hypothèse bien plus sympathique qui, depuis quelques années, semble de plus en plus probable : il est fort possible qu’au lieu de se faire la guerre, Homo Sapiens et Neandertal aient fait des enfants.

Comment le sait-on ? Eh bien figurez-vous que notre génome est composé de 1 à 4% d’ADN Neandertal et qu’en mettant ces fragments bout à bout, on peut retrouver un bon cinquième du patrimoine génétique de notre cousin disparu. Mieux encore, on retrouve cette part de Neandertal chez tous les Homos Sapiens modernes à l’exception de ceux d’entre nous qui descendent de familles africaines ; c’est-à-dire de cette partie de l’humanité qui n’a jamais (ou que très tardivement) quitté le berceau originel et n’a donc jamais croisé Neandertal.

Nous n’avons, bien sûr, aucune certitude en la matière mais il est très probable que ce soit à Neandertal que les asiatiques comme les européens doivent leur peaux claires, leurs cheveux fins et, d’une manière générale, une adaptation rapide et réussie aux conditions climatiques rigoureuses de nos contrées.

Un héritage de 4% d’ADN, me direz-vous, ça ne fait pas grand-chose. Sauf qu’il faut bien mesurer que quand papa Neandertal a rencontré maman Homo Sapiens, près de 500 000 années d’évolution les séparaient de telle sorte qu’ils étaient à la limite de la compatibilité biologique. Nous avons donc sans doute récupéré ce qui était utile tandis que la sélection naturelle s’est chargée de nous débarrasser de ce qui, chez notre parent Neandertal, nous faisait plus de mal que de bien.

Bref, Neandertal n’aurait pas vraiment disparu ; il aurait été comme absorbé par Homo Sapiens.

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[1] Neandertal consommait jusqu’à 5 000 calories par jours là où un mâle Homo Sapiens moyen maintient son poids avec 2 500 calories.

— Addendum – 04 septembre 2014 @ 8h55.

Je pensais pouvoir y échapper et je me suis trompé. Il va me falloir apporter quelques précisions.

1 — J’ai écrit ce papier parce que le sujet me fascine (et aussi parce que je suis tombé l’autre soir sur un documentaire qui abordait le sujet). Il n’y a pas le moindre sous-entendu derrière ces mots et épargnez-moi, de grâce, les références au « grand remplacement » et autres imbécilités racistes.

2 — Je ne suis ni généticien ni paléoanthropologue : ce papier est écrit par un amateur qui tente, autant que faire ce peu, de résumer simplement ce qu’il a compris de ce que racontent les gens qui savent de quoi ils parlent (qui ne sont d’ailleurs pas tous d’accord entre eux). Vos remarques/corrections sont les bienvenues.

3 — Sur la base de ce que j’ai lu, il semble qu’après 4 à 500 000 ans d’évolution séparée, les génomes d’Homo Sapiens et de Neandertal étaient homogènes à 99,5%. J’en conclue — peut être à tort — que c’est à peu près à partir de ce seuil qu’on peut parler d’espèces différentes (la reproduction devient périlleuse). On estime habituellement que l’espèce humaine est homogène à 99,9%.

Votre mot de passe

On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...