Dévaluation à l'ancienne

Le 2 novembre 1475, Louis XI fit frapper à Saint Lo un écu d’or dit écu au soleil (à cause du petit soleil au-dessus de la couronne) à la taille de 70 au marc et d’un aloi de 23⅛ carats auquel il une attribua une valeur d’une livre et 13 sols tournois. Fort bien, me direz-vous, mais qu’est-ce que ça signifie ?

L'écu au soleil du 2 novembre 1475

Commençons par le marc. C’est une unité de masse du système de la livre poids de marc (ou livre de Troyes), système dont l’existence est attestée dès le début du XIIIe siècle mais qui n’a été généralisée à tout le royaume qu’à partir de 1266. Dans ce système, la livre pesait 489,50 de nos grammes modernes, le marc valait une demi-livre et l’once [1] était le seizième d’une livre. De ce qui précède, vous déduirez sans difficulté qu’un marc est équivalent à 244,75 grammes. Dire que notre écu d’or était taillé à 70 au marc signifie que, par décision du Roi, on devait frapper 70 écus avec un marc d’or c’est-à-dire que chaque écu au soleil devait peser très exactement un soixante-dixième de marc (3,496 grammes).

Mais ce n’est pas fini. Comme vous le savez sans doute l’or est une matière extrêmement malléable de telle sorte que, lorsque vous souhaitez qu’un objet en or conserve sa forme (une pièce, un lingot…), vous devez le mélanger avec un autre métal. D’où l’aloi [2], mesuré en carats, qui fixe le degré de pureté de l’alliage sur une échelle de zéro (il n’y a point d’or là-dedans) à 24 (c’est de l’or pur). Ainsi, un aloi de 23⅛ carats, c’est un mélange pur à environ 96,4% et donc, nous pouvons en déduire que sur les 3,496 grammes de l’écu de Louis XI, il y avait précisément 3,369 grammes d’or pur et 0,127 grammes d’autre chose. Ce sont naturellement ces grammes d’or qui donnent toute sa valeur à la pièce.

Or, le Roi nous dit que ces 3,369 grammes valent une livre et 13 sols tournois. Il n’est bien sûr plus ici question d’une unité de poids [3] mais d’une unité de compte : la livre tournois, à ne pas confondre avec la livre parisis [4], qui se subdivise en 20 sols (ou sous) et 240 derniers [5]. Dès lors, en décrétant que son nouvel écu d’or vaut une livre et 13 sols tournois (soit 1,65 livre), Louis XI fixait implicitement la valeur de la livre à 2,042 grammes d’or pur.

C’est une dévaluation à la mode de l’ancien régime. Lors de sa précédente émission ordonnée le 4 janvier 1473, l’écu d’or à la couronne (sans soleil) avait été taillé à 72 au marc (même aloi) et avait reçu une valeur de 30 sols et 3 derniers tournois (soit 1,5125 livres) ce qui fixait la valeur-or de la livre tournois à 2,166 grammes d’or pur [6]. La livre tournois vient donc de perdre 6,1% de sa valeur.

Naturellement, lorsque le Roi s’endette, c’est en unités de compte.

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[1] Chez nos amis américains, le poids des métaux précieux est toujours mesuré en onces de Troyes (troy ounces, oz) même si cette dernière s’est depuis un peu alourdie : de 30,594g sous l’ancien régime, elle vaut aujourd’hui 31,1034768g. À ne pas confondre avec l’once avoirdupois qui, aux États-Unis, est l’once des épiciers.
[2] Aujourd’hui, on parlerait plutôt du titre d’un alliage. En revanche, nous avons gardé l’expression de bon ou de mauvais aloi qui signifie de bonne ou de mauvaise qualité.
[3] C’était bien le cas à l’origine : en 825, par exemple, les derniers d’argent était taillés à raison de 240 pièces par livre d’argent.
[4] La livre concurrente qui coexistera avec la livre tournois jusqu’en avril 1667, date à laquelle Louis XIV fusionnera les deux systèmes.
[5] Système duodécimal comme la livre sterling jusqu’en 1971 (£1 = 20 shillings = 240 pences).
[6] Je n'invente rien et le je prouve.

Le prix du marché

Monsieur A, entrepreneur, a besoin de capitaux pour développer XXX Inc, la petite entreprise qu’il a fondée. Il se résout donc à procéder à une augmentation de capital de 100 actions qu’il pense pouvoir placer à 1 euro l’une. Si tout se passe bien, il lèvera ainsi 100 euros et restera, avec ses 101 actions, l’actionnaire majoritaire de son entreprise.

Deux fonds d’investissement, le fonds X et le fonds Y, manifestent leur intérêt. L’un comme l’autre sont dotés d’un capital de 100 euros et sont à la recherche d’investissements pour le compte de leurs clients. Après moult discussions, le fonds X décide d’acquérir 20 parts tandis que le fonds Y souscrira aux 80 parts restantes.

Monsieur A a donc procédé à son augmentation de capital qui a gonflé les fonds propres de son entreprise de 100 euros. À l’actif du fonds X, nous avons donc 20 actions XXX Inc d’une valeur unitaire et de 1 euro et 80 euros de trésorerie. À l’actif du fonds Y, nous avons 80 actions à 1 euro l’une et 20 euros de trésorerie. À ce stade, la valeur de marché (la capitalisation boursière) de XXX Inc est donc de 201 euros dont 101 qui restent en possession de Monsieur A et 100 de flottant.

Les affaires se portent bien et le gérant du fonds X commence à avoir des regrets : « mais quel idiot je suis, ce dit-il en son for intérieur, pourquoi n’ai-je acheté que 20 titres ? » Il aimerait donc augmenter sa participation. Du point de vue de Monsieur A, une nouvelle augmentation qui viendrait diluer sa part du capital est exclue ; reste donc une seule solution : racheter une partie des actions acquises par le fonds Y.

Seulement voilà : le gérant du fonds Y est loin d’être idiot et lui aussi se rend bien compte que XXX Inc est une petite pépite très prometteuse. Il veut bien céder quelques actions mais pas à 1 euro : maintenant, répond-t-il à son homologue du fonds X, ça va être un peu plus cher.

Après d’âpres négociations, un accord est en vue : le fonds Y accepte de céder 20 actions au fonds X pour la modique somme de 1,5 euro l’unité – soit 30 euros pour l’ensemble. On se serre la main, la transaction a bien lieu.

Du jeu à somme positive

À l’actif du fonds X, nous avons donc maintenant 50 euros de trésorerie (80-30) et 40 actions XXX Inc (20+20) d’une valeur unitaire de 1,5 euros – c’est le dernier prix connu – soit un actif total de 110 euros. Symétriquement, à l’actif du fonds Y, on trouve 50 euros de trésorerie (20+30) et 60 actions (80-20) également valorisée à 1,5 euros l’une ; soit un actif total de 140 euros.

Monsieur A, de son côté apprend avec plaisir que, sur la base du prix auquel s’est effectuée cette transaction, son entreprise vaut désormais 301,5 euros (201 actions de 1,5 euro l’une) – c’est-à-dire que sa capitalisation boursière vient d’augmenter de 50%.

Tout le monde a gagné. Monsieur A, parce qu’il a bien géré son entreprise, vient de voir la valeur de son patrimoine augmenter de 50%. Le gérant du fonds X – et donc ses clients – ont vu leur capital s’accroître de 10% tandis que son homologue du fonds Y, qui a eu le nez creux, réalise une performance de 40%. Vous aurez beau chercher un perdant dans l’affaire, c’est peine perdue : il n’y en a pas. Cet échange a été bénéfique pour tout le monde.

Bien sûr, si la transaction avait eu lieu à un prix inférieur à 1 euro, la conclusion aurait été exactement inverse : tout le monde aurait perdu. C’est-à-dire qu’en fonction de l’évolution du prix, tout le monde perd ou tout le monde gagne ensemble.

Maintenant, considérons quelques aspects plus techniques des choses.

De la formation des prix

Avant que la transaction entre les fonds X et Y ait lieu, la position de trésorerie consolidée des deux fonds était de 100 euros (80 euros et 20 euros respectivement). Après la transaction, elle est restée identique : 30 des euros du fonds X sont passés dans la trésorerie du Y et les deux fonds se sont retrouvés avec 50 euros chacun. En d’autres termes, le nombre d’euros investis dans le marché n’a pas changé d’un iota ; pas plus que le nombre d’actions négociables – le flottant – : il y en a toujours 100.

Pourtant, la valeur de marché de XXX Inc est passée de 201 euros à 301,5 euro (+50%), le patrimoine personnel de Monsieur A a augmenté de 50,5 euros, l’actif du fonds X a augmenté de 10 euros et celui du fonds Y a gonflé de 40 euros (soit, au total, 100,5 euros – ce qui correspond à l’augmentation de la capitalisation boursière de XXX Inc).

Ces 100,5 euros viennent intégralement de l’augmentation de la valeur de l’entreprise et nous n’avons pas eu besoin d’investir un euro de plus dans le marché pour que cette valeur progresse de 50%. Cet exemple va nous permettre de répondre à une question importante qui amène un certain nombre de commentateurs à dire des âneries : comment les prix montent-ils ?

Vous avez peut-être déjà entendu dire que les prix montent quand il y a plus d’achats que de ventes. C’est bien sûr parfaitement stupide puisque ce qui est une vente pour le fonds Y était un achat pour le fonds X : dès lors, mesurées en nombre d’unités, il y a toujours et forcément autant d’opérations d’achats que de ventes. C’est élémentaire. De la même manière, le nombre de transactions n’a pas non plus d’importance : le fonds X aurait pu acheter 20 fois 1 action plutôt que 1 fois 20 actions ; ce n’est pas pour autant qu’il aurait payé les actions plus chères.

On entend aussi très souvent que les prix montent quand il y a plus d’acheteurs potentiels (ou d’ordres d’achat) que de vendeurs potentiels (ou d’ordre de vente). C’est également faux. Pour qu’un ordre d’achat ou de vente ait une influence sur le prix, il faut qu’il y ait une transaction effective – et donc un nouveau prix – et comme nous venons de le voir, il y a toujours autant de d’achats que de ventes. Vous aurez beau être cinq mille à proposer à votre voisin de racheter sa maison pour un euro symbolique, ça ne lui fera pas baisser son prix pour autant.

Si les prix montent, c’est parce que les vendeurs pensent qu’ils peuvent vendre à un prix supérieur au dernier cours connu (i.e. la dernière transaction) et parce qu’ils ont raison : en effet, il se trouve des acheteurs – comme le fonds X – qui acceptent de payer plus cher. Symétriquement, les prix baissent quand les vendeurs sont prêts à brader leurs titres et quand il existe des acheteurs prêts à les leur racheter pourvu qu’ils baissent leurs prix de vente. C’est aussi simple que ça : les prix fluctuent en fonction de ce que les gens pensent que ça vaut.

De celui qui sait qu’il ne sait pas

Dès lors, sans que les actionnaires des fonds X et Y ne rajoutent un centime au pot, le cours de l’actions XXX Inc peut monter jusqu’à 100 euros. Démonstration : le fonds X décide d’acquérir une action supplémentaire et est prêt à la payer 50 euros (toute sa trésorerie) ; puis, le fonds Y (qui dispose maintenant de 100 euros de trésorerie) rachète cette action à 100 euros. Dans cette hypothèse peu probable mais techniquement possible, il y aurait toujours 100 euros de trésorerie (dans les caisses du fonds X), la société XXX Inc vaudrait 10 000 euros mais son cours aurait atteint un plafond égal à la quantité totale de trésorerie disponible.

Ce que cet exemple illustre, c’est les cours peuvent tout à fait monter dans des proportions spectaculaires sans que personne n’investisse un euro de plus dans le marché. C’est possible parce que le prix d’une action – donc la capitalisation boursière de l’entreprise ou celle d’un indice boursier – c’est le prix de la dernière transaction connue.

Bien sûr, lorsque le fonds X achète ses 20 actions à 1,5 euros, vous pouvez penser qu’il se trompe, qu’il paye un prix trop élevé ; vous avez le droit d’estimer que XXX Inc ne vaut pas vraiment 301,5 euros. Mais gardez bien à l’esprit que la valeur d’une entreprise dépend exclusivement de sa capacité à générer des profits dans le futur et que le futur, ni vous, ni le gérant du fonds X ne le connait. Il a son estimation, ses scénarios ; vous avez les vôtres et si ça se trouve, c’est lui qui finira par avoir raison (il va gagner beaucoup d’argent et pas vous).

Soyez humbles. Partez toujours du principe qu’il y a quelqu’un, de par le vaste monde, qui en sait plus que vous et que sur des marchés où, tous les jours, des centaines de milliers d’investisseurs éduqués et formidablement bien informés prennent des décisions d’investissement, celui qui dit que « le marché est irrationnel » a bien des chances de se tromper.

One way

Du 31 décembre 1998 (lancement de l’euro) au 27 mai 2013, le dollar des États-Unis (USD) a dégringolé de 79,3% par rapport à l’or ; l’euro (EUR) a cédé 77,2% ; le yen japonais (JPY) a reculé de 76,9% ; la livre sterling (GBP) s’est effondrée de 81,2% ; le dollar canadien (CAD) limite la casse avec un recul de 69,2% et le franc suisse (CHF) a perdu 70,5% de sa valeur.

Données du World Gold Council.

In Gold We Trust

Sur cette Federal Reserve Note de cinq dollars de 1950 (série 1950B), on lit : « The United States of America » puis, sous le portrait de Lincoln, « will pay to the bearer on demand Five Dollars » ce qui se traduit par « les États-Unis d’Amérique paieront au porteur et à la demande la somme de cinq dollars. » En haut à gauche, une mention précise même que ce billet « est rachetable en monnaie légale auprès du Trésor des États-Unis ou de n’importe quelle banque de la Réserve Fédérale. »

Si ces mentions ne précisent pas ce que le gouvernement des États-Unis entend précisément par monnaie légale, elles nous disent en revanche que ce morceau de papier imprimé n’est pas le dollar des États-Unis mais donne droit à des dollars des États-Unis. Or, depuis 1934 [1], le dollar vaut officiellement 1/35ème d’once d’or et, en vertu des conventions de Bretton Woods, les banques centrales qui participent au système peuvent effectivement échanger leurs dollars contre de l’or physique à ce prix. C’est-à-dire que même si les citoyens américains n’ont pas le droit de détenir de l’or monétaire [2], ce billet est réputé être équivalent à environ 4,44 grammes d’or fin.

Considérez maintenant cette autre Federal Reserve Note de cinq dollars imprimée en 1963 (série 1963A).

Une partie du texte a disparu. On ne se propose plus de vous échanger ce billet contre des dollars : ce billet est devenu le dollar. Ces choses n’arrivent pas par hasard : huit ans avant le Nixon Shock, la rupture de la convertibilité-or du billet vert pointe déjà à l’horizon.

La balance des paiements

Le privilège « exorbitant » [3] que détient celui qui contrôle la planche à billet du dollar dans le système de Bretton Woods, c’est qu’il peut imprimer autant de billets verts qu’il le souhaite pour financer ses importations ou accorder des crédits au reste du monde sans que sa monnaie ne se déprécie puisque, par construction, les parités sont fixes par rapport au dollar. C’est-à-dire que là où les autres banques centrales doivent défendre leurs devises et éventuellement dévaluer, la Federal Reserve, elle, n’a qu’une seule contrainte : préserver la valeur du dollar par rapport à l’or à raison de $35 l’once.

Ce privilège, les États-Unis vont l’utiliser tout au long des années 1950 et 60. Dans un premier temps, l’effort de reconstruction en Europe et les performances de l’appareil de production américain vont permettre aux États-Unis de maintenir une balance commerciale et un compte courant largement excédentaire – c’est-à-dire des dollars qui rentrent – qui vont leur permettre de devenir les principaux financiers de la planète – des dollars qui sortent. Mais dès 1950, les politiques expansionnistes et inflationnistes vont rompre l’équilibre : le dollar, notoirement surévalué, pèse sur les exportations américaines tandis qu’un certain nombre de participants au système de Bretton Woods (suivez mon regard) vont volontairement sous-évaluer leurs monnaies pour doper leurs exportations. Du coup, la balance des paiements américaine devient déficitaire.

C’est la récession de 1958 puis les élections présidentielles de 1961 qui vont mettre le problème en évidence. Sous l’effet de la crise, la balance des paiements se dégrade brutalement et la perspective d’une victoire possible de John F. Kennedy, qui promet un plan de relance et la lune, révèle les inquiétudes des marchés. En octobre 1960 (les élections ont lieu début novembre), l’or s’envole brutalement et va flirter avec les $40 sur le marché de Londres. On commence à douter sérieusement de la valeur du billet vert.

London Gold Pool

La Federal Reserve et la Bank of England parviennent à éteindre l’incendie en vendant une part substantielle de l’or de cette dernière sur le marché mais il apparait désormais clairement qu’il va falloir défendre la parité du dollar. C’est dans cette optique que va être créé, en novembre 1961, le London Gold Pool. Huit pays [4] vont mettre sur la table pas moins de 240 tonnes d’or (270 millions de dollars au cours officiel) pour défendre le prix officiel du billet vert. Pratiquement, si le prix décroche une nouvelle fois, la Bank of England vendra son stock d’or pour faire remonter le dollar et se fera rembourser par les membres du pool.

Mais aux États-Unis, l’heure est au keynésianisme le plus débridé et à la dépense publique à tout crins : la Great Society de Lyndon B. Johnson prend le relais de la New Frontier de Kennedy, la guerre du Vietnam se vietanamise et le programme de conquête spatiale bat son plein (JFK leur avait promis la lune, les américains l’obtiennent le 21 juillet 1969). Bref, le déficit de la balance des paiements se dégrade à mesure que les réserves de change (en dollar) des autres pays membres du système de Bretton Woods s’accumulent.

Devant une telle gabegie et l’inflation du dollar, un certain nombre de dirigeants de l’époque commencent à douter de la capacité du London Gold Pool à maintenir le cours de l’or sous contrôle. Et pour cause : c’est cette année-là qu’il atteindra sa taille maximale avec 1,5 milliards de dollars – soit l’équivalent de 1 333 tonnes d’or – mobilisés par les huit partenaires. Progressivement, ils vont donc commencer à convertir leurs réserves de dollars en métal jaune à l’image de Charles de Gaulle [5] qui, début 1965, envoie la Marine nationale récupérer 133 tonnes d’or (i.e. 150 millions de dollars) dans les coffres souterrains de la Fed de New York [6].

Au total, les réserves d’or des États-Unis vont plonger de 653,1 millions d’once en 1957 à 311,2 millions en 1968 – une baisse de plus de 52% et de pratiquement 12 milliards de dollars au cours officiel – alors que la quantité de dollars en circulation ne cesse de gonfler. En juin 1967, la France quitte le pool ; le 18 novembre, le Royaume Uni est contraint de dévaluer la libre sterling de 14% ; en décembre, la panique gagne la Fed, on commence à parler de fermer les marchés de l’or et on se demande combien de temps l’Italie et la Belgique vont encore supporter les pertes générées par le pool.

Le 18 mars 1968, une nouvelle ruée sur l’or va finir par avoir raison du London Gold Pool : les marchés de l’or sont fermés (ils le resteront jusqu’au début du mois d’avril) et le Congrès des États-Unis annule l’obligation qui était faite à la Federal Reserve de maintenir une réserve d’or équivalente à 25% des dollars en circulation [7]. À ce stade, le dernier cours connu de l’or est à $35,1988 l’once mais lorsque les marchés rouvrent plus personne ne croit plus en la parité officielle (tirets clairs).

Le point (a) correspond au Nixon Shock (15 août 1971) ; le point (b) aux accords de Washington (a.k.a. accords de la Smithsonian Institution, le 18 décembre 1971) et donc à la première dévaluation du dollar à $38,02 l’once ; le point(c) signale la deuxième dévaluation du dollar à USD 42,22 l’once d’or (13 février 1973). Les prix sont ceux du fixing du matin à Londres (source : The London Bullion Market Association).

À compter de ce 18 mars 1968, l’effondrement du système de Bretton Woods n’est plus qu’une question de temps. Le dollar est déjà une fiat money en ce sens que personne au monde n’était plus en mesure de garantir sa valeur. Le fait est que quand le gouvernement des États-Unis imprimait « In God We Trust » sur ses billets, ses lecteurs lisaient « In Gold We Trust ». Incidemment, certaines leçons importantes pour l’époque actuelle ce sont glissées dans ce bref exposé historique. Je laisse le soin à chacun de développer.

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[1] Depuis le Gold Reserve Act du 30 janvier 1934, une once d’or vaut USD 35 (contre USD20,67 précédemment).
[2] Depuis le 1er mai 1933 (Executive Order 6102 signé le 5 avril 1933 par Franklin D. Roosevelt), les citoyens des États-Unis n’ont plus le droit de détenir de l’or monétaire (pièces et certificats) ; la détention de certificats ne redeviendra légale que le 24 avril 1964 et ce n’est que le 31 décembre 1974 que les citoyens américains recouvreront intégralement le droit d’acheter, de détenir et de vendre de l’or physique.
[3] Pour reprendre le qualificatif utilisé par Valérie Giscard d’Estaing.
[4] Les États-Unis (qui apportent la moitié du stock), la République Fédérale Allemande, le Royaume Uni, l’Italie, la France, la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique.
[5] Ironiquement, la figure tutélaire des gaullistes modernes qui réclament un retour au franc et une dévaluation était un fervent partisan de l’étalon-or et ne jurait que par la stabilité du système monétaire. Je vous joins ici une petite vidéo de la conférence de presse du 4 février 1965.
[6] Situés à plus de 20 mètre sous Manhattan, ils contenaient environ 6 700 tonnes d’or à la fin de l’année 2012 ; à titre de comparaison le United States Bullion Depository de Fort Knox en détiendrait 4 578 tonnes.
[7] Depuis 1945, les banques de la Federal Reserve étaient tenue de maintenir des réserves d’or équivalentes à 25% du montant des dollars en circulation (à la création de la Fed en 1913, les notes étaient garanties par des réserves de 40% et les dépôts par des réserves de 35%).

Le franc de 1945 à 1998 : le serpent et le système

Quand les nouveaux francs sont mis en circulation, le 1er janvier 1960, la parité du franc avec le dollar est fixée par les accords de Bretton Woods à $1 = 4,937 frs à ±1% près [1]. Comme le deutschemark fait lui aussi parti du même système avec une parité fixe de 1 USD = 4,2 DEM, le franc est la monnaie ouest-allemande sont eux aussi liés à hauteur de 1,1755 fr pour un deutschemark (aux marges de fluctuation près). C’est à ce moment que commence notre graphique. Pendant les dix années qui suivent, c’est donc le système de Bretton Woods qui va réguler la parité de ces deux devises européennes malgré deux réévaluations du deutschemark [2] et une dévaluation du franc en août 1969 [3].

C’est en 1971 que les choses commencent à se gâter. Le 5 mai 1971, trois mois avant le Nixon chock, les autorités allemandes, belges et néerlandaises vont cesser de défendre la parité de leurs devises respectives contre le dollar ce qui va entrainer une première dislocation du régime de parités fixes et une envolée du mark (juste avant le point a sur le graphique). Vous connaissez la suite : Nixon rompt la convertibilité-or du billet vert et, après que la France ait refusé l’idée allemande qui consistait à laisser flotter les monnaies européennes, on s’achemine vers les accords de la Smithsonian Institution qui seront signé le 18 décembre 1971 à Washington (point a).

Conçus pour sauver le système de parités fixes, les accords en question stipulent que, malgré son inconvertibilité, le dollar reste l’étalon monétaire international après une dévaluation de $35 l’once d’or à USD 38,02, que le deutschemark est réévalué de 4,6% par rapport au dollar (tandis que le franc suit le dollar dans sa dévaluation [4]) et que les marges de fluctuation des devises participantes par rapport au billet vert sont élargies à ±2,25%.

Le serpent dans le tunnel

C’est ce dernier point qui va poser problème aux européens : si le franc et le deutschemark évoluent dans un tunnel de ±2,25% par rapport à leurs parités respectives en dollar, cela signifie que la variation du sol au plafond du tunnel peut atteindre 4,5% pour chaque devise et que si deux monnaies parcourent ce chemin en sens inverse, la variation relative de leurs cours peut atteindre 9%. Or, notamment dans le cadre de la toute jeune Politique agricole commune, les européens estiment que c’est beaucoup trop. C’est pour palier à cet inconvénient qu’ils [5] vont créer un serpent à l’intérieur du tunnel.

Le reptile commence à fonctionner le 24 avril 1972 (c’est la première boîte grisée sur notre graphique). Le principe en est très simple : il consiste à fixer, à l’intérieur du tunnel créé par l’accord smithsonien, des limites de fluctuation de ±1,125% entre les devises européennes (soit un écartement maximal de 2,25%). Dans la pratique, cela signifie par exemple que si le franc se déprécie trop par rapport au deutschemark (i.e. s’il « sort du serpent »), la Banque de France est dans l’obligation de défendre sa monnaie en vendant ses réserves de deutschemark pour acheter du franc. Naturellement, l’exercice a une limite : la taille des réserves de change de la Banque de France ; au-delà, il faut en principe un accord des autres États participants pour dévaluer.

Très vite, le serpent va se révéler difficile à maîtriser. Le ton est donné dès le 23 juin 1972, lorsque la Bank of England est obligée de laisser la livre sterling flotter. La suite sera du même tonneau : entre dévaluations, réévaluations, sorties et retours des monnaies, l’histoire du serpent monétaire européen fera le bonheur des caricaturistes. Le 19 mars 1973, il va carrément sortir du tunnel quand, après une deuxième dévaluation du dollar (de USD 38,02 l’once à USD 42,22 le 14 février 1973), les États européens vont tout simplement décider d’arrêter de défendre la parité de leurs devises contre le billet vert mettant ainsi fin à son rôle d’étalon monétaire international. L’Allemagne en profitera pour réévaluer le deutschemark deux fois : de 3% le 14 février (soit une parité centrale de 1 dm = 1,633 francs, deuxième boîte grisée du graphique) et de 5,5% le 29 juin (1 dm = 1,725 frs, troisième boîte).

Pendant ce temps, en France, avec une inflation de plus de 10% et l’ère de la relance budgétaire permanente qui s’annonce (et qui dure encore aujourd’hui), la Banque de France commence à avoir les plus grandes difficultés à défendre le franc. Le 19 janvier 1974, les autorités jettent l’éponge et décident de laisser le franc sortir à son tour du serpent – initialement pour six mois : il n’y reviendra que le 10 juillet 1975. Cette période de 537 jours est remarquable : c’est la première fois que le franc flotte librement depuis la Libération.

Après la relance de Jacques Chirac, le franc sort définitivement le 15 mars 1976 (point b du graphique) et, petit à petit, le serpent va se réduire au deutschemark, au franc belge et à la couronne danoise. Libéré de toute contrainte, le franc va perdre plus de 25% de sa valeur par rapport au deutschemark avant qu’un nouveau serpent ne voit le jour : le Système Monétaire Européen (SME).

Système Monétaire Européen

Le nouveau serpent commence à fonctionner le 13 mars 1979 (point c) avec un peloton quasi-complet de membres à l’exception de la Grande Bretagne qui se méfie (déjà). Le Système monétaire européen est, pour l’essentiel, le successeur du serpent à ceci près que les cours pivots officiels sont exprimés dans une monnaie fictive, l’ECU qui est en fait un panier de monnaies, et que les marges de fluctuation par rapport à ces cours pivots sont élargies à ±2,25% (et même à ±6% pour certaines devises comme la lire italienne). Comme précédemment, les parités officielles doivent être défendues par des interventions des banques centrales sur le marché des changes et, si l’une de ces dernières est à court de réserves, on procède à une dévaluation sous réserve d’un accord unanime entre participants.

Cette deuxième version va s’avérer beaucoup plus robuste : d’une part, les bandes élargies permettent une gestion plus souple de la part des banques centrales mais surtout, on fera désormais un usage bien plus modéré de la planche à billet et des dévaluations successives qui l’accompagnent. Le franc entre dans le SME avec une parité de 2,3095 francs pour un deutschemark et le 19 septembre 1979, il cèdera 2% sur une modeste réévaluation de la devise allemande (première et deuxième boîtes de la seconde série).

Le 4 octobre 1981, quelques mois après l’élection de François Mitterrand, le franc est encore dévalué et cède 8,1% à 2,5621 frs par deutschemark. La politique de Pierre Mauroy n’ayant pas produit les effets escomptés, une deuxième dévaluation ramène le deutschemark à 2,5621 le 14 juin 1982. Enfin, la dévaluation du 21 mars 1983 (1 dm = 3,0665 frs) marque la victoire des fabusiens sur celles et ceux qui, déjà, réclamaient une sortie du SME, une dévaluation massive, des barrières douanières et une nouvelle politique de relance.

Deux réévaluations du mark plus tard, et, le 12 janvier 1987, la monnaie allemande vaut désormais 3,3539 frs ; cours pivot officiel qui restera stable jusqu’à l’avènement de l’euro le 1er janvier 1999. Malgré l’élargissement des bandes de fluctuation autorisée à ±15% le 2 août 1993 (dernière boîte grisée sur le graphique), le franc – désormais fort – continuera à évoluer dans une bande relativement étroite autour de son cours officiel avec le deutschemark jusqu’au 31 décembre 1998, date à laquelle les deux monnaies disparaîtront et seront remplacées par l’euro.

Au total, du jour de leur mise en circulation à l’avènement de l’euro, les nouveaux francs ont perdu 64,9% de leur valeur par rapport au deutschemark.

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[1] Depuis la dévaluation du 27 décembre 1958.
[2] Le deutschemark est réévalué de 5% le 6 mars 1961, (de 1 USD = 4,2 DEM à 1 USD = 4 DEM) et de 9,2% le 25 octobre 1969 (de 1 USD = 4 DEM à 1 USD = 3,663 DEM).
[3] Dévaluation de 11% le 10 août 1969 (de 1 USD = 4,937 FRF à 1 USD =5,55 FRF).
[4] Ce qui, si mes calculs sont exacts, fait ressortir la nouvelle parité franc/deutschemark à 1 DEM = 1,5855 FRF (si vous disposez d’une source directe, n’hésitez pas !).
[5] Initialement les pays du Benelux, la France, l’Allemagne et l’Italie ; puis le Royaume-Uni et le Danemark (1er mai 1972) et enfin la Norvège (23 mai).

Concurrence en conditions expérimentales

Entre 2011 et 2012, selon les données de l’Acerp [1], la facture mensuelle moyenne de celles et ceux d’entre nous qui ont un forfait de téléphonie mobile a baissé de 12,7% - de 31,5 euros HT à 27,5 euros HT. C’est la plus forte baisse jamais constatée depuis qu’il existe des forfaits de téléphonie mobile en France. Naturellement, c’est une moyenne et elle ne tient pas compte du service rendu en contrepartie : à titre personnel, le prix de mon abonnement à baissé d’un euro seulement mais je suis passé de deux heures d’appel à un forfait illimité.

Cette baisse des tarifs est naturellement liée au lancement de l’offre de Free Mobile sur le marché. Depuis janvier 2012, le nouvel opérateur a séduit pas moins de 5,2 millions de clients au 31 décembre 2012 tandis que les offres low-cost créées en 2011 par Bouygues Telecom (B&You), Orange (Sosh) et Sfr (Red) pour faire face à l’arrivée de ce nouveau concurrent affichaient environ 2,5 millions de clients. Au total, selon l’Acrep, ce sont près de 7,2 millions de consommateurs [2] qui ont changé d’opérateur tout en conservant leur numéro en 2012 - soit plus de deux fois plus qu’en 2011.

Mais ce n’est pas tout : comme n’importe quel manuel d’économie vous le confirmera, la baisse des prix a généré une hausse spectaculaire de la consommation. Au total, toujours selon l’Acerp, ce sont 4,55 millions de cartes SIM supplémentaires qui ont été activée en 2012 (+6,6%, la plus forte croissance du marché en dix ans). Par ailleurs, le nombre de minutes d’appel depuis des téléphones mobiles est en hausse de 13,6% à 119,8 milliards, le nombre de SMS émis augmente de 25,1% à 183,1 milliards et le volume de données mobiles transférées explose littéralement de 67,1% à 95,5 pétaoctets. C’est-à-dire que, rapporté aux services rendus, les prix n’ont pas baissés : ils se sont effondrés.

Pour ces 4,55 millions de nouveaux abonnés, c’est soit l’opportunité de remplacer leur carte prépayée par un véritable abonnement, soit un nouveau service qu’ils peuvent s’offrir mais pour les quelques 68,57 millions d’entre nous qui avaient déjà un abonnement en 2011, l’arrivée de Free Mobile va se traduire par un gain de pouvoir d’achat de 3,29 milliards d’euros par an - 3,29 milliards que nous allons pouvoir dépenser sur d'autres postes, qui vont créer à leur tour de la croissance et des emplois.

Ces catastrophes qui n’ont pas eu lieu

Les données de l’Acerp nous permettent également d’apporter une réponse chiffrée et précise aux anticapitalistes primaires qui dénonçaient cette ouverture du marché à la concurrence au motif qu’elle provoquerait un recul de l’emploi dans le secteur et une chute des investissements.

Commençons par l’emploi. Après dix ans de recul à peine interrompus par l’arrivée de Bouygues Telecom en 2004 (de 156 mille emplois en 1998 à un peu plus de 124 mille en 2009), il se trouve que, depuis l’attribution de la fameuse quatrième licence à Free (fin 2009), ne nombre d’emplois dans le secteur a augmenté de 3,7% : de 124 232 postes en 2009 à 128 810 aujourd’hui. Au moment où Xavier Niel lançait son offre, le nouvel opérateur comptait déjà 1 638 salariés et il semble que, contrairement aux prévisions apocalyptiques qu’ils se plaisaient à faire circuler dans la presse, les autres opérateurs n’aient pas réduit leurs effectifs mais les aient au contraire augmenté. À titre d’illustration, rien qu’entre 2011 et 2012, Sfr a embauché 27 personnes et a vu sa masse salariale augmenter de 28,5 millions d’euros (+6,1%).

Du point de vue de l’investissement, c’est encore mieux : non seulement les investissements des opérateurs augmentent pour la troisième année consécutive mais ils ont atteint, avec plus de 10 milliards d’euros en 2012 dont la moitié sur la téléphonie mobile, un nouveau record historique. Par exemple, selon les estimations de l’Acerp, les investissements des opérateurs dans le haut débit mobile (3G et 4G) aurait atteint 4 milliards d’euros en 2012 contre 2,4 milliards en 2011. Très simplement, dans un marché compétitif, le seul moyen de préserver ses marges, c’est d’améliorer le service apporté aux clients.

Cerise sur le gâteau

Entre des volumes qui explosent et des prix qui s’effondrent, ce sont ces derniers qui l’emportent : entre 2011 et 2012, les revenus générés par la téléphonie mobile affichent une baisse de 7,3% [3] à 17,6 milliards d’euros. Comme nous l’avons vu plus haut, cette baisse des revenus est entièrement à l’avantage des consommateurs n’a eu de conséquences négatives ni sur l’emploi ni sur l’investissement : elle a pesé, en revanche, directement sur les marges des opérateurs et donc sur les profits de leurs actionnaires. Le résultat net par action de Sfr passe de 7,64 euros en 2011 à 4,42 euros en 2012 (-42%), chez Orange il baisse de 1,46 euros en 2011 à 0,31 euros en 2012 (-79%) et chez Bouygues Telecom, on est passé d’un bénéfice de 9,13 euros par action à une perte de 0,39 euros.

Et voici la partie la plus drôle : la valeur ajoutée brute du secteur des télécommunications, celle qui contribue à la mesure de notre Produit intérieur brut (PIB), est passée de 25,5 milliards en 2011 à 22,9 milliards ; soit une baisse de 10,2%. C’est-à-dire que du point de vue de la comptabilité nationale, l’arrivée de Free Mobile a provoqué une profonde récession du secteur.

Ce n’est, bien entendu, pas du tout le cas : ce à quoi nous assistons, c’est à la disparition d’une part fictive de notre PIB, une fausse croissance créée de toute pièce par les politiques protectionnistes du gouvernement Jospin (et suivants) ; une fausse croissance qui a permit aux trois opérateurs qui se partageaient le marché de nous faire payer pendant dix ans les abonnements téléphoniques les plus chers d’Europe et les coûts de fonctionnement d’une administration chargée de les surveiller.

Et pendant ce temps, ceux-là même qui participent jour après jour à massacrer un peu plus ce qui reste de notre économie nous expliquent que cette ouverture à la concurrence était une erreur.

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[1] Voir Acerp, Observatoire annuel du marché des communications électroniques en France (2012).
[2] Afin d’alléger la lecture de ce qui suit, nous considérerons qu’un consommateur = un abonnement. En réalité, c’est faux : il y a plus d’abonnements téléphoniques que d’habitants en France.
[3] La légère baisse de 2011 (-3,6%) est essentiellement fictive puisqu’elle correspond à une hausse de la TVA que les opérateurs, voyant Free arriver, ont choisi de ne pas répercuter aux consommateurs.

Le franc de 1945 à 1998 : l’ère de Bretton Woods

Signé le 20 juillet 1944, les accords de Bretton Woods visent à mettre fin à l’instabilité monétaire qui avait prévalue au cours des années 1930 en établissant un système international de parités fixes entre les devises. Le principe en était le suivant : le dollar des États-Unis est garanti par 1/35ème d'once d’or [1] et chaque pays participant s’engageait à maintenir une parité fixe (à ±1%) de sa monnaie nationale avec le dollar en contrepartie de quoi, les banques centrales des membres du système pouvaient convertir leurs dollars contre de l’or.

Or, le taux de change officiel du franc français, fixé arbitrairement lors de la Libération à 50 francs pour un dollar, est notoirement surévalué. Lorsque la France ratifie les accords de Bretton Woods le 26 décembre 1945 (le point a sur le graphique [2]), la parité officielle est dévaluée de 58% à 119,11 francs pour un dollar ce qui entraîne une chute de la valeur du franc par rapport aux autres devises – le cours de la livre sterling, par exemple, passe de 200 frs à 480 frs.

Mais la planche à billets de la Banque de France tourne à plein régime pour financer la dépense publique et pendant les années qui vont suivre, les dévaluations vont se succéder pour tenter – sans jamais y parvenir – de rattraper l’inflation de la valeur interne du franc. Le 26 janvier 1948, le franc est dévalué de 44,40% : le cours du dollar passe de 119,11 à 214,39 frs alors que certains analystes de l’époque estiment qu’il vaut plutôt 340 frs. Dès l’année suivante, il est de nouveau dévalué deux fois : de 3,19% le 27 avril 1949 (USD 1 = 272,21 frs) et de 22,23% (USD 1 = 350 frs) le 20 septembre 1949. S’en suit une période de stabilité jusqu’au 11 août 1957 où la parité du franc est dévaluées de 16,67% (à 420 frs pour un dollar) et au 27 décembre 1958, avec une nouvelle dévaluation de 14,93% (USD 1 = 493,71 frs).

La dévaluation de 1958 a ceci de particulier qu’elle s’insère – une fois n’est pas coutume – dans un plan d’ensemble de redressement de l’économie française : le plan Rueff-de Gaulle. Cette fois-ci, il n’est plus seulement question de rétablir l’équilibre des finances publiques mais aussi – et surtout – d’éradiquer l’inflation et de refaire de la France une véritable économie de marché, une économie ouverte et productive. Dans l’esprit de ses concepteurs, cette dévaluation c’est la der des ders symbolisée par la mise en circulation des nouveaux francs le 1er janvier 1960.

Pendant une décennie entière, les effets du plan Rueff-de Gaulle vont être spectaculaires et l’on a bien cru que le temps des dévaluations était révolu mais c’était sans compter le choc salarial de mai 1968 : malgré une opinion publique farouchement défavorable, Georges Pompidou dévalue le franc de 11,04% à 5,55 frs pour un dollar le 10 août 1969. C’est la 7ème dévaluation du franc depuis son entrée dans le système de Bretton Woods ; au total, sa valeur s’est érodée de plus de 78% face au billet vert américain (et donc à l’or) depuis le 26 décembre 1945.

C’est à ce moment-là que le système de Bretton-Woods va commencer à connaitre de graves difficultés. D’une part, la contrainte de convertibilité-or limite les marges de manœuvres de l’administration américaine alors que la guerre du Viet Nam se vietnamise, que la conquête de l’espace bat son plein (i.e. Apollo 11 en 1969) et que l’état-providence se développe (la Great Society de Lyndon B. Johnson). Par ailleurs, depuis son retour au pouvoir, le général de Gaulle tend à se débarrasser systématiquement des réserves de changes de la Banque de France en réclamant leur remboursement en or ; ce qui, naturellement, réduit considérablement la capacité des États-Unis à faire usage de leur planche à billet.

Le 15 août 1971, Richard Nixon ferme la gold window en rompant unilatéralement la convertibilité-or du dollar (Executive Order 11615) – C’est le Nixon Shock (point b sur le graphique). Dès lors, le dollar des États-Unis et toutes les devises qui participaient à Bretton Woods sont des fiat money.

Mais le système n’est pas encore tout à fait mort. Le 18 décembre 1971, le Groupe des Dix [3] signe les accords de Washington (a.k.a. accords de la Smithsonian Institution) par lesquels les États-Unis s’engagent à maintenir la valeur du dollar à usd 38.02 l'once (soit une dévaluation de 7,9%) – mais sans rétablir sa convertibilité – tandis que les autres participants continuent à utiliser le billet vert comme étalon monétaire avec des marges de fluctuation de ±2,25% autour des cours fixes.

Mais la faiblesse du dollar ne va pas aller en s’arrangeant. Au fixing du matin de Londres, l’or se négocie au-delà des 50 dollars dès début-mai 1972 ; il flirte avec les 69 dollars en août, semble se stabiliser et repart de plus belle dans les premiers jours de 1973 : le 13 février 1973, lorsque les États-Unis entérinent une dévaluation de 9,9% à 42,22 dollars l’once d’or, le métal précieux cote déjà près de 70 dollars à Londres. Un mois plus tard, le 19 mars 1973 (point c du graphique), le Groupe des Dix décide de mettre fin au régime de changes fixes par rapport au dollar : les banques centrales ne sont plus tenues de défendre la parité de leurs devises respectives contre le billet vert. Les accords de Bretton Woods ont vécu.

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[1] Once de Troyes (troy ounce, oz) soit 31,1034768 grammes d’or fin.
[2] Afin d’en simplifier la présentation, les cours du dollar d’avant le 1er janvier 1960 (courbe claire) sont présentés en nouveau francs. Il suffit donc de multiplier l’axe des ordonnées par 100 pour retrouver les valeurs de l’époque.
[3] le G10 composé l’Allemagne, de la Belgique, du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas, du Royaume Uni et de la Suède.

NB : les données du graphique (données quotidiennes) ont été compilées par votre serviteur en utilisant plusieurs sources : avant le 25 décembre 1945, j’utilise la parité officielle de 50 frs pour un dollar ; du 25 décembre 1945 au 3 mai 1953, ce sont les cours fixes de Bretton Woods ; du 4 mai 1953 au 3 janvier 1971, j’utile les cours du deutschemark par rapport au franc et au dollar (source : Deutsche Bundesbank) pour reconstituer la parité franc/dollar ; à compter du 4 janvier 1971, les données sont celles de la Federal Reserve.

La prochaine fois, nous parlerons du serpent dans le tunnel et du système monétaire européen.

Erratum (31/05/2013@10:20) : dans la version originale de ce papier, j'ai commis une bévue en écrivant que le dollar était « garanti par 35 onces d’or ». Il fallait bien sur lire est « garanti par 1/35ème d'once d’or ».

Décroissance volontaire

De 2007 à 2012, le Produit intérieur brut de la France a augmenté de 145,5 milliards d’euros. Sur ce total, 136,4 milliards d’euros (en euro 2012) sont dus à l’inflation ce qui fait que notre croissance réelle n’a été que de 9,1 milliards d’euros (2012).

Sur cette période, la valeur ajoutée réelle des entreprises, des ménages et des institutions à but non lucratif s’est contractée de 7,7 milliards d’euro (2012) tandis que celle des administrations publiques a augmenté de 16,7 milliards d’euros (2012).

Comme vous le savez, la valeur ajoutée des administrations publiques n’est pas vraiment une valeur ajoutée – cette dernière est impossible à calculer puisque ces services sont essentiellement financés par l’impôt. Par convention, la comptabilité nationale les comptabilise sur la base de leurs coûts de fonctionnement.

C’est-à-dire qu’en cinq ans, l’économie française s’est contractée d’au moins 7,7 milliards d’euros (2012) ; soit une croissance négative de 0,5%.

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[1] Le solde, 159 millions d’euros (2012), correspond à la variation du solde des impôts et des subventions sur les produits.

Risque = incertitude

Nous disposons d’un modèle qui prédit que demain, le soleil se lèvera à l’est et se couchera à l’ouest. Il y a deux manières de concevoir ce modèle. La première, la méthode empirique, consiste à réaliser un très grand nombre d’observations et à en induire une loi : en l’espèce, le soleil s’est levé à l’est et couché à l’ouest dans 100% des observations ; d’où notre modèle. Une autre manière de procéder consiste à comprendre la mécanique céleste. De fil en aiguille, on comprend que c’est la terre qui tourne autour du soleil et que ce phénomène s’explique par la rotation de notre planète sur elle-même. De là, on en déduit que, parce que la terre tourne vers l’est, le soleil se lèvera demain à l’est et se couchera à l’ouest.

Quelque soit la méthode utilisée, notre modèle de prévision va fonctionner. Pourtant, il existe une situation dans laquelle ces deux approches sont radicalement différentes dans leur capacité à prédire le futur : le black swan ; et si, pour une fois, le soleil se levait à l’ouest et se couchait à l’est ?

Du point de vue du positivisme logique, le modèle empirique est validé par l’expérience ; c’est-à-dire que le black swan n’est pas un état possible du futur ou, du moins, il n’est pas envisagé par le modèle de prédiction. Plus prudent, Karl Popper estimera que le modèle n’est pas validé mais non-réfuté jusqu’à preuve du contraire ; mais en pratique, les utilisateurs du modèle attendront d’observer un black swan pour intégrer cette possibilité au modèle de prédiction.

En revanche, le modèle déductif intègre - au moins implicitement - la possibilité d’un black swan. Il existe un état possible du monde dans lequel le soleil se lève à l’ouest et se couche à l’est : c’est ce qui arriverait si la terre se mettait à tourner dans l’autre sens. C’est-à-dire que l’équipe chargée de faire tourner le modèle peut intégrer dans ses calculs un ou plusieurs scénarios dans lesquels, suite à un évènement extrêmement improbable et jamais observé, la terre se met à tourner vers l’ouest. Bien sûr, ils peuvent oublier d’envisager un certain nombre de scénarios mais au moins, le modèle intègre la possibilité d’un black swan.

Ce n’est pas parce qu’un emprunteur n’a jamais fait défaut qu’il ne peut pas faire défaut. Même si vous considérez l’emprunteur le plus financièrement solide au monde, il existe toujours, quelque part dans l’univers des possibles, un ou plusieurs cas où il ne vous remboursera pas - ou, du moins, pas intégralement. De ce point de vue, Nassim Taleb a nécessairement raison. Tout nos modèles empiriques, quelque soit leur degré de sophistication, ne sont que des approximations fondées sur la même hypothèse : le futur ressemblera, éventuellement à quelques écart-types près, au passé.

Mais cela ne signifie pas, à mon sens, que la prédiction soit impossible pour peu que par prédiction on cesse d’entendre la description d’un scénario unique, une prédiction de la Pythie. Nous ne connaissons pas le futur. C’est un fait. Mais une chose que nous pouvons faire c’est prévoir les états possibles du futur - i.e. une liste de scénarios - et leur associer des probabilités de réalisation. Bien sûr, nous risquons d’oublier des scénarios et nos probabilités ex-ante ne seront jamais que des estimations mais, ne serait-ce qu’en intégrant la possibilité d’un black swan, ils sont sans doute supérieurs aux modèles empiriques.

Un de ces scénarios, c’est le crash test. C’est un black swan a priori : peu importe qu’il soit probable ou non, il suffit qu’il entre, par un moyen ou un autre, dans l’univers des possibles. Le crash test, finalement, ce n’est rien d’autre que ce que font la plupart des entrepreneurs ; c’est le “raisonnement en perte acceptable”, le deuxième principe de l’effectuation (voir Philippe Silberzahn, Effectuation: Comment les entrepreneurs pensent et agissent… vraiment). La seule chose dont vous puissiez être certain c’est qu’il appartient au champ des possibles que sa probabilité d'occurrence - peu importe les statistiques historiques - n’est pas nulle.

Le risque probabilisable au sens empirique du terme n’est qu’une vue de l’esprit, une béquille à laquelle nous nous raccrochons alors même que toute notre expérience nous démontre qu’elle est, pour l’essentiel, inopérante. C’est la Théorie Moderne du Portefeuille de Markowitz : elle fonctionne sauf quand vous en avez vraiment besoin. Là où Frank Knight (Risk, Uncertainty, and Profit, 1921) distinguait risque et incertitude, je ne vois qu’une chimère et une réalité concrète : peu importe que vous soyez entrepreneur ou trader à haute fréquence, le risque c’est l’incertitude et l’incertitude c’est le risque.

Cupcakeconomics

Oubliez l’argent. L’argent n’est pas la richesse mais juste un outil pratique qui permet de la transférer, de la mesurer et de la conserver dans le temps. Dans un monde sans argent, nous échangerions nos richesses grâce au troc, nous n’aurions sans doute pas d’échelle commune pour les mesurer (ce qui poserait surtout un problème à l’administration fiscale) et nous les conserverions en stockant des produits non périssables comme des métaux, des oeuvres d’art, des meubles etc. Être riche, dans un monde sans argent, cela signifie posséder une belle maison, une belle voiture, partir en vacances et pouvoir s’offrir de bons restaurants ; c’est-à-dire que cela signifie exactement la même chose que dans notre monde actuel. À l’inverse, dans un monde où l’argent existe en quantité illimité mais où les magasins sont désespérément vides, la richesse n’aurait aucune signification : vous auriez beau posséderiez un hangar rempli de billets, vous ne mangeriez pas à votre faim et vous vivriez probablement sous un pont.

Oubliez donc l’argent et concentrez-vous sur ce qu’est vraiment la richesse : l’ensemble des biens et des services qui rendent nos vies plus agréables ; ces biens et ces services qui, avant que nous puissions en jouir, doivent pour la plupart être produits par la main et l’esprit de l’homme. C’est pour cette raison que, depuis l’aube de l’humanité, nous produisons des richesses : pour pouvoir les consommer - what else ?

Dans notre langage moderne, nous appelons Produit intérieur brut la somme des richesses produites dans une zone délimitée de l’espace (habituellement un pays) et du temps (typiquement une année civile). C’est la mesure de ce que nous avons produit et donc, de ce que nous allons pouvoir consommer. C’est, pour prendre une image, la quantité de cupcakes que nous avons préparé au cours d’une année et donc, la quantité de cupcakes que nous allons pouvoir manger. Or, depuis maintenant quelques siècles, depuis ce moment de notre histoire que nous appelons la révolution industrielle, la quantité de cupcakes que nous produisons augmente régulièrement ; nous avons donné un nom à ce phénomène : la croissance.

Bien sûr, ce que nous désirons, ce n’est pas une croissance du PIB mais une croissance du PIB par habitant : si notre production de cupcakes augmente proportionnellement au nombre de convives, la part potentielle de chacun reste constante. Ce que nous voulons, fondamentalement, c’est pouvoir consommer plus de cupcakes demain qu’hier : c’est-à-dire que nous voulons une croissance (du PIB) supérieure à celle de la population. C’est ce qui permet, depuis quelques siècles, de faire en sorte que les fils vivent mieux que leur père ; c’est un objectif hautement désirable et qui pose une question fondamentale : comment faire pour que ça continue ?

Le grain et l’ivraie

Mais avant de poursuivre, il est sans doute nécessaire de rappeler que, par définition, le PIB et donc la croissance n’ont de sens que dans une économie de marché, mesurés aux prix du marché. Ce que le Produit intérieur brut est supposé mesurer, ce n’est pas seulement la quantité de ce qui est produit mais aussi - et peut être même surtout - l’adéquation de cette production à nos préférences individuelles. Pour reprendre notre analogie, le PIB n’a de sens que si l’on mesure la production de cupcakes au prix auquel les producteurs gagnent de l’argent et les consommateurs acceptent de les acheter.

Il suit de ce qui précède que, dans une économie planifiée comme dans les secteurs socialisés de nos économies, le PIB n’a aucun sens : sa mesure est purement arbitraire. C’est typiquement ce que l’on observe dans une économie de guerre : du point de vue de la comptabilité nationale, la production industrielle explose (canons, bâtiments de guerre, avions de chasse, munition etc.), c’est le plein emploi et la croissance est extraordinairement élevée mais, en réalité, les gens manquent de tout : ils vivent de tickets de rationnement, subissent de graves pénuries sur les biens les plus essentiels et ce, sans parler des éventuelles destructions. C’est ce qui est arrivé aux États-Unis entre 1942 et 1945 : au plus fort de l’effort de guerre, la croissance annuelle atteignait presque 12% (net d’inflation) - un record historique - alors que la plupart des américains vivaient de food stamps et manquaient d’à peu près tout.

De la même manière et pour les mêmes raisons, les politiques de contrôle des prix ou la création de monopoles non contestables reviennent à manipuler arbitrairement la mesure du PIB. Il est par exemple certain que la part de notre croissance due au secteur de la téléphonie mobile a été très largement exagérée par la politique protectionniste mise en place par le gouvernement Jospin : en cassant cet oligopole et, par la même occasion, les prix, Free Mobile a certainement eut un impact négatif sur la croissance officielle mais c’est d’une croissance purement fictive qu’il était question. Il en va de même lorsqu’un gouvernement augmente les taxes sur les produits de première nécessité ou fortement addictifs (le tabac) : ce n’est qu’une manipulation comptable et en aucun cas de la vraie croissance.

C’est précisément pour ces raisons que les services non marchands que nous fournissent les administrations publiques - comme l’Éducation nationale - sont comptabilisés par convention à leurs coûts de production : il est impossible de dire ce qu’ils valent réellement. Partant, les politiques qui consistent à gonfler les coûts de fonctionnement de ces services pour stimuler la croissance ne sont que pur artifice et il est très vraisemblable qu’une politique de réduction des dépenses publiques se traduira à court terme par un recul de la croissance : c’est la part fictive ou, du moins, non mesurable de notre PIB qui augmente ou disparaît.

Croissance 1.0

Supposons donc que nous vivions dans une économie de marché relativement pure et que nous nous demandions comment faire croître notre Produit intérieur brut par habitant. Une manière simple de représenter le problème consiste à décomposer le PIB par habitant comme suit :

Avec P la population totale et E la population employée ; c’est-à-dire la part de la population qui produit effectivement de la richesse (salariés, entrepreneurs...). Comme vous l’aurez sans doute noté, cette équation est une tautologie c’est-à-dire que vous pouvez remplacer E par n’importe quoi, y compris l’âge du capitaine, elle reste nécessairement vraie. Ce que nous dit cette égalité, c’est que le PIB par habitant peut être compris comme le produit du taux d’emploi de la population (e) - c’est-à-dire la part de la population totale effectivement occupée à produire des cupcakes - et de la productivité de la population employée (p) - la production de cupcake (en valeur) pour chaque personne employée.

Ce qui ça signifie qu’au premier abord, une manière simple de produire plus, c’est d’être plus nombreux à produire. Çà a l’air idiot dit comme ça mais c’est pourtant vrai : pour maximiser notre production de cupcakes, la première chose à faire c’est de faire en sorte que nous soyons le plus nombreux possibles à en préparer. Autrement dit, pour une population donnée, plus il y a de gens qui consomment des cupcakes sans en produire, plus la part de chacun - producteurs compris - est petite.

Naturellement, cette idée peut sembler paradoxale dans un monde où le chômage atteint des sommets et où l’on nous explique depuis quarante ans que nous avons besoin de croissance pour résorber ce fléau - avec le succès que l’on sait. La question que je vous invite à vous poser est toute simple : ne nous serions-nous pas trompé sur le sens de la causalité ? Ne serait-ce pas l’emploi qui créé de la croissance plutôt que l’inverse ? Au-delà des chapelles politiques et idéologiques, demandez-vous si ce n’est pas plutôt en incitant nos compatriotes à produire des richesses - en leur permettant de jouir du fruit de leur travail et en cessant de subventionner l’inactivité - que nous renouerons avec la croissance. La question mérite d’être posée ne serait-ce que parce qu’entre entrées tardives sur le marché du travail, départs prématurés à la retraite, chômage structurel et sans compter nos vacances et nos 35 heures hebdomadaires, le taux d’emploi des français est un des plus faible du monde développé.

Bien sûr, l’exercice a une limite : une fois toute la population potentiellement active effectivement employée, il n’y aura plus grand chose à gagner de ce côté là - ce qui ce traduira, incidemment, par une hausse des salaires. Il sera alors temps de jouer sur le deuxième levier, le véritable moteur de la croissance à long terme : la hausse de la productivité.

Accroître notre productivité peut avoir deux significations qui sont, en réalité complémentaires : la première consiste à trouver un moyen de faire en sorte que chaque personne employée produise plus de cupcakes ; la seconde, parce que nous raisonnons en valeur, consiste à créer de meilleurs cupcakes, c’est-à-dire des cupcakes qui correspondent le mieux possible à la demande des consommateurs.

La méthode qui nous permet de produire plus de cupcakes aujourd’hui qu’hier et ce, en utilisant proportionnellement moins de ressources rares, c’est une combinaison de progrès technologique et d’accumulation de capital. C’est l’histoire de notre révolution industrielle, de ses machines à vapeur, de l’émergence de l’industrie textile et de la naissance du train : des avancées technologiques transformées à coup d’investissements privés en gigantesques gisements de gains de productivité.

J’insiste sur le caractère privé de ces investissements : des machines de Newcomen au développement des technologies sémantiques, toutes ces inventions qui nous ont permis de faire croître notre capacité de production plus vite de la population humaine sont nées et ont prospéré dans le secteur privé. Et ce n’est pas un hasard : lorsque le secteur privé investit, il le fait dans des investissements productifs et lorsqu’il se trompe, la sanction est immédiate ; lorsque la puissance publique consomme, elle le fait pour satisfaire des objectifs électoralistes et elle le fait toujours à fonds perdus.

Enfin, reste à adapter nos cupcakes à la demande des consommateurs pour qu’ils aient le plus de valeur possible. C’est là que nous avons besoin d’un marché libre où les producteurs adaptent leur production à la demande et du plus grand marché libre possible afin que même les amateurs de cupcakes à la betterave, aussi peu nombreux soient-ils, aient une chance de voir leur demande satisfaite.

Au moment où j’écris ces lignes, les vendeurs de rêves courent les plateaux de télévision pour y exposer leurs nouvelles recettes miracle. Dévaluons la monnaie ! Disent les uns. Empruntons plus encore ! Assurent les autres. Taxons et redistribuons ! concluent-ils tous en chœur. Avez-vous remarqué que tous, sans exception, ne parlent que d’argent ? Oubliez l’argent : ce dont nous avons besoin, c’est de plus de fabricants de cupcakes et d’investisseurs pour améliorer notre production de cupcakes.

Une boite en plastique à la place du cœur

Lorsqu’il apprend la nouvelle, ce 20 janvier 1666, le jeune Louis XIV s’évanouit de douleur. Sa mère adorée, Anne d’Autriche, infante d’Espagne et reine de France, vient de passer de vie à trépas à soixante-quatre ans. Il est vrai qu’Anne n’était, pour les standards de l’époque, plus toute jeune. Aînée de sa fratrie, elle a vu disparaitre un a un ses sept frères et sœurs en finissant par Philippe IV, mort quatre mois plus tôt. Mais la reine n’est pas, à proprement parler, morte de vieillesse : elle avait un cancer du sein.

Je n’ai jamais été, pour des raisons d’ordre technique qu’il me semble inutile de développer ici, un proche d’Anne d’Autriche et je ne saurais vous dire quel jugement elle portait sur sa propre vie. Louis XIII fût sans doute un époux déplorable mais il semble que la souveraine ait compensé ce manque d’amour par une relation fusionnelle avec ses fils Louis et Philippe. Quoiqu’il en soit, il est une chose que je tiens pour certaine : en ce début de l’an de grâce 1666, Anne s’est accrochée à la vie. De toutes ces forces et de toute son âme, elle a voulu vivre et je crois même pouvoir dire que devant l’impuissance de ses médecins, elle a prié pour cela.

Madame Bastié a tout à fait raison d’écrire que la décision d’Angelina Jolie – celle qui consiste à subir une mastectomie pour éviter de développer le cancer qui a emporté sa mère – dit « quelque chose de notre époque » (Eugénie Bastié, Angelina Jolie et Christine Boutin, duel au sommet) ; je vais même vous préciser quoi exactement : en 1666, Anne d’Autriche n’avait d’autre choix que de mourir tandis aujourd’hui, Angelina Jolie a la possibilité de se prémunir contre cette éventualité. Voilà ce que cette histoire nous dit sur notre époque.

Précisons à tout hasard qu’un cancer du sein, ce n’est pas exactement bénin et que 87% de chances d’en développer un, ce n’est pas exactement négligeable. Juste pour donner un ordre de grandeur : c’est encore pire que de jouer à la roulette russe avec six balles sur sept dans le barillet [1]. Je veux bien que chacun dispose de sa vie comme il (ou elle) l’entend mais écrire que la décision de Madame Jolie relève du « principe de précaution poussé à son paroxysme » me semble, pour le moins, osé. Emporté dans mon élan, je pourrais dire que j’aimerais vous y voir ; mais non, je n’aimerais pas ; je ne souhaiterais ça à personne ; pas même à Madame Boutin.

Accessoirement, on notera aussi que des raisons de rester en vie, au-delà de son « égo déboussolé », Madame Joly en a six. Je vous passe les prénoms. Eh oui Madame Bastié, Angelina Jolie n’est pas seulement une « Lara Croft pulpeuse et intrépide » ; c’est aussi une mère – six fois. Là où vous vous plaisez à voir un « malaise occidental vis-à-vis de la vie » ou la volonté de se débarrasser de « ce fardeau naturel » qu’est supposé être notre corps, je vois une femme qui veut vivre pour elle-même, bien sûr, mais aussi pour son mari et pour ses enfants. Qui gagne, je vous le demande, au petit jeu du nombrilisme ? Celle qui préfère préserver sa poitrine au risque de laisser derrière elle des orphelins ou celle qui a le courage – oui, le courage – de se mutiler pour éviter cette éventualité.

Alors non, je vous le dis Madame Bastié, il n’y a pas un zeste de vérité dans le gazouillement cynique de Christine Boutin. Il n’y a pas non plus une once d’humanité, encore moins de compassion ni même la plus élémentaire trace d’intelligence. J’en rappelle les termes aussi élégants que subtils : « Pour ressembler aux hommes ? Rire ! Si ce n’était triste à pleurer ! » - fin de la citation. Non Madame, définitivement : il n’y a là que le hoquet ridicule d’une politicienne en mal de publicité qui s’est imaginé briller en crachant son venin sur une étoile.

Pour ma part, je rejoins avant l’heure le « réseau mondialisé des quadras névrosés » pour souhaiter à Angelina Jolie et à ses proches tout le courage dont ils auront besoin et tout ce que la vie peut encore leur réserver de meilleur. C’est sans doute la boite en plastique que j’ai à la place du cœur qui parle. Rire !

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[1] Le Nagant M1895, fabriqué pour l’armée russe, contenait sept cartouches.

New Deal x 1,7

Nos amis keynésiens ont grandi et vivent encore aujourd’hui dans le mythe du New Deal de Franklin Roosevelt – sensément la plus formidable mise en œuvre des idées de Keynes (après la seconde guerre mondiale). Ainsi, nous disent-ils, si ça ne marche pas cette fois-ci, c’est parce que l’administration Obama n’en a pas fait assez. À la limite, pour Paul Krugman et ses amis, ce que Barack Obama a fait depuis son entrée en fonction, c’est presque de l’austérité.

Juste pour le plaisir des yeux, je vous propose une petite infographie :

Mesurée en dollars de 2012, la timide relance de M. Obama, c’est presque 28 fois le New Deal : de 2009 à 2014 (les données de 20013/14 sont des estimations), il a cumulé un déficit budgétaire de 7 020 milliards de dollars tandis que, sur les six années du New Deal, Roosevelt (et Hoover) ont à peine dépassé les 251 milliards.

Bien sûr, me direz-vous à juste titre, l’économie américaine d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de 1930 ; il convient de mesurer le déficit budgétaire en pourcentage du PIB de l’époque. C’est ce qu’illustrent mes histogrammes : mesurée de cette manière la relance de l’administration Obama c’est 1,7 fois le New Deal – un déficit budgétaire de 7,4% en moyenne contre 4,3% dans les années 1930.

Explosion des inégalités

En 2003, vous avez rendu visite aux dix familles d’un village et avez mesuré le revenu par Unité de Consommation (UC) de chacune d’elles. Dix ans plus tard, vous voilà de retour dans le village pour procéder au même exercice : l’heure de la comparaison a sonnée. Vous avez représenté vos résultats comme suit avec, en abscisse, dix tranches de 1 000 euros de revenu par UC (de 0 à 1 000, de 1 000 à 2 000 etc..) et, en ordonnées, le nombre de familles pour chaque tranche (i.e. un cube = une famille).

C’est sans appel : en dix ans, vous avez assisté à une explosion des inégalités de revenus. Pourtant, comme c’est vous qui avez fait le travail, vous êtes tout de même un peu étonné du résultat graphique. Vous décidez donc de reprendre vos notes et de comprendre ce qui s’est passé durant cette décennie.

Derrière les chiffres

Lorsque vous les avez rencontrés en 2003, Monsieur et Madame A venaient de se marier. Monsieur A débutait sa carrière avec un salaire de 3 000 euros et son épouse gagnait 2 000 euros – soit un revenu par UC de 3 333 euros pour deux personnes. Dix ans plus tard, Monsieur A a été augmenté et gagne désormais 5 500 euros tandis que Madame A, qui a fait le choix d’élever les trois enfants nés de leur mariage, gagne toujours 2 000 euros. Malheureusement, le couple a décidé de se séparer et c’est l’ex-Madame A qui a obtenu la garde des enfants en contrepartie du paiement d’une pension alimentaire de 1 000 euros. Nous avons donc maintenant deux foyers distincts : celui de Monsieur A avec 4 500 euros par UC pour une personne (5500-1000) et celui de Madame A’ avec 1 579 euros par UC pour 4 personnes (3000 / 1,9 UC).

En 2003, Monsieur B, célibataire endurci, venait de monter sa petite entreprise. Autant dire qu’à l’époque, il ne gagnait pas grand-chose : vous aviez compté 1 500 euros (et donc 1 500 euros par UC pour une personne). Mais en dix ans, les choses ont bien changé : Monsieur B n’est toujours pas marié – il a une relation suivie avec une jeune et jolie demoiselle mais ça ne compte pas dans vos statistiques – mais sa petite start-up est devenue une entreprise prospère dont il vient de vendre 10% du capital à une multinationale américaine. En conséquence de quoi, le Monsieur B a traversé toute la distribution des revenus et affiche cette année un revenu record de 9 500 euros par UC (toujours pour lui-seul… officiellement).

Il y a dix ans Monsieur C était un cadre dans la force de l’âge qui gagnait 5 500 euro et était n’avais pas encore jugé bon de se marier. Mais, les années passant, l’envie de mettre sa carrière au second plan et de fonder une famille s’est faite plus pressante et – Ô bonheur – c’est à ce moment qu’il a rencontré Mademoiselle D, jeune comédienne débutante qui, en 2003, avait encaissé 3 500 euros pour son premier rôle. Ils se marièrent, Monsieur CD mit effectivement sa carrière de coté – il gagne toujours 5 500 euros – tandis que sa jeune épouse – enceinte du fruit de leurs amours – n’a gagné que 4 000 euros en 2013. Ce qui nous fait donc un foyer de deux personnes avec un revenu par UC de 6 333 euros.

En 2003, le champion toutes catégories du revenu le plus élevé c’était Monsieur E. Après avoir hérité d’une fortune considérable, il passait le plus clair de son temps à courir les soirées mondaines et à dépenser les revenus de son capital – lesquels atteignaient à l’époque 6 500 euros. Seulement, après dix années de fête ininterrompues, Monsieur E a non seulement dépensé les intérêts mais aussi liquidé l’essentiel de son héritage. Comme un malheur n’arrive jamais seul, il doit aujourd’hui faire face à de graves problèmes de santé – l’alcool, la drogue… – et sa troisième épouse (en moins de dix ans) vient de siphonner ce qui lui restait de capital. Ses amis de la jet-set se sont étrangement volatilisés et, lorsque vous l’avez revu, il vivait des minima sociaux – 500 euros.

Retraités il y a dix ans, Monsieur et Madame F vivaient une retraite paisible dans le sud de la France. Il faut dire qu’avec 5 750 de revenus à eux deux – soit un revenu par UC de 3 833 pour deux personnes – leur vie était tout à fait confortable. Malheureusement, Monsieur F nous a quitté et c’est donc sa veuve éplorée (soit un foyer disposant d’un revenu par UC de 5 750 euros) que vous avez rencontré en 2013. Sa seule consolation, vous dira-t-elle, c’est de suivre les succès professionnels de sa petite fille, Mademoiselle G ; laquelle, partie de rien il y a dix ans (2 500 euros), mène aujourd’hui une brillante carrière de médecin aux États-Unis (raison pour laquelle elle est sortie de vos statistiques).

Ces dix dernières années, la vie de Monsieur et Madame H s’est déroulée sans histoires : à l’époque, ils gagnaient 7 400 euros à deux ce qui, avec une adolescentes à charge, leur faisait un revenu par UC de 3 700 euros pour 3 personnes (7400 / 2 UC). Depuis, Mademoiselle I a quitté le foyer familial pour voler de ses propres ailes ce qui fait que la famille H, qui gagne toujours 7 400 euros, dispose maintenant d’un revenu par UC de 4 933 euros (8000 / 1,5 UC) pour deux personnes. Quant à Mademoiselle I, elle forme désormais un foyer à elle seule et démarre sa carrière avec un salaire (et un revenu par UC) de 3 100 euros – ce qui est tout à fait respectable pour son âge et fait la fierté de Monsieur et Madame H.

Pour ce qui est de la famille J, la seule chose qui ait changé en une décennie, c’est la naissance de leur fils. En 2013, comme en 2003, ils gagnent 6 100 euros mais cet heureux évènement a fait passer le revenu par UC de leur foyer de 4 066 euros (4066 / 1,5 UC) à 3 388 euros (4066 / 1,8 UC). Bien sûr, ils auraient bien aimé que leurs revenus progressent mais ils préfèrent leur situation à celle de la famille K qui, dans la même situation financière qu’eux aujourd’hui comme en 2003, n’est pas parvenue à avoir d’enfant (leur revenu par UC est stable à 4 066 euros pour deux personnes).

Et maintenant, mettons des noms et des histoires personnelles sur les chiffres :

Tout ça pour dire que la vie c’est compliqué et qu’il faut se méfier comme de la peste des statistiques habillement présentées et utilisées à des fins politiques.

Là où va l’argent

Voici les flux nets annuels cumulés sur les Mutual Funds américains (l'équivalent de nos OPCVMs) de 1990 à 2012 d'après les données de la Sifma [1] :

Entre 2007 et 2012, les fonds d’actions (Equity) ont subi une décollecte de 554 milliards de dollars tandis que les fonds obligataires (Bond) – massivement investis en bons du Trésor US – ont collecté à hauteur de 1 082 milliards de dollars. Notez aussi l’énorme mouvement de collecte des fonds monétaires (Money Market) en 2007/08, suivi de sortie tout aussi massives en 2009/11.

Le Investement Company Institute nous permet de zoomer sur la période plus récente et surtout de distinguer les fonds investis en actions US et ceux qui investissent en actions internationales [2]. Voici donc les flux mensuel de janvier 2007 (i.e. début de la crise) au 8 mai 2013 sur les fonds d’actions US, les fonds d’actions internationales et les fonds obligataires (NB : contrairement au graphique précédent, nous n’avons pas les stocks de départ : on cumule donc à partir de zéro) [2] :

Juste pour vous donner un ordre de grandeur, à la fin de l’année 2011, les Mutual Funds investis en actions US détenaient environ un quart de la capitalisation boursière des actions américaines. Depuis janvier 2007, ils ont subi une décollecte de près de 600 milliards de dollars alors que les fonds obligataires – massivement investis en dette publique US – ont collecté plus de 1 200 milliards de dollars.

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[1] Securities Industry and Financial Markets Association (Sifma) US Mutual Fund Assets and Net Cash Flow (MàJ 15/02/2013)
[2] Investement Company Institute (Ici) Estimated Long-Term Mutual Fund Flows Data (MàJ 15/05/2013)

Opportunité d’arbitrage

Pour évaluer le montant brut de votre allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), vous devez au préalable calculer votre salaire journalier de référence (SRJ) qui est égal à la somme de vos rémunérations brutes [1] au cours des 12 derniers mois divisée par 365 et le coefficient t qui correspond à votre temps de travail hebdomadaire (ou mensuel) divisé par 35 heures (ou 151,67 heures). La règle de calcul de l’ARE, en 2013, est la suivante :

En bon français : votre ARE sera égale au montant le plus faible entre (i) 75% de votre SRJ et (ii) le montant le plus élevé entre (a) 28,21 euros, (b) 40,4% de votre SRJ plus 11,57 euros et (c) 57,4% de votre SRJ. Si vous travailliez à mi-temps, vous devez multiplier l’allocation minimale (28,21 euros) et les 11,57 euros par t = 0,5.

Par exemple, un salarié à temps plein rémunéré au Smic (c. 1 430 euros bruts) aura un SRJ de 1 430*12/365 = 47,01 euros et un coefficient t de 1. Ce qui, en remplaçant les termes dans notre formule, donne une ARE de 30,56 euros par jour :

En généralisant ce calcul pour (i) tous les mi-temps payés de 715 euros bruts (Smic) à 1 429 euros bruts (18,8 euros de l’heure) et (ii) tous les contrats à temps plein de 1 430 euros bruts (Smic) à 7 150 (5 fois le Smic), on obtient la courbe suivante :

La diagonale en pointillés représente le salaire brut, les lignes continues donnent le niveau de l’ARE brute et la zone grisée correspond aux contrats à mi-temps.

On peut également représenter l’ARE brute en pourcentage du salaire brut :

Ce qui signifie qu'un salarié à temps plein rémunéré au Smic toucherait une ARE égale à 64,1% de son salaire brut [2] s’il se mettait au chômage (soit 916.8 euros bruts) et que ce taux décroit ensuite régulièrement jusqu’à 2 070 euros de salaire brut ; seuil à partir duquel l'ARE est proche de 56,6% du salaire brut.

Bottom line

Bien sûr, ce qu’un salarié est susceptible d’arbitrer, ce ne sont pas des montants bruts mais des montants nets – ce qui nous intéresse, quoiqu’on en dise, c’est la bottom line. En d’autres termes, nous devons comparer son ARE nette avec son salaire net et mesurer la perte de revenus qu’il devrait subir s’il se mettait au chômage.

Estimer le montant d’une ARE nette à partir du salaire brut et relativement [3] trivial ; en revanche, la multiplicité des cas possibles, des règles et des exceptions fait qu'il est presqu'impossible de déterminer une règle générale dès lors qu'il est question d'estimer un salaire net en fonction du salaire brut. Nous allons, si vous le voulez bien, contourner le problème en ayant recours à une estimation très conservatrice – c’est-à-dire le cas d'un salariés dont la rémunération nette est la plus proche possible de son salaire brut : un non-cadre qui travaille pour une entreprise soumise au régime général Arrco qui ne lui propose ni mutuelle complémentaire, ni régime de prévoyance.

Avec brut le salaire brut et pss le plafond de la sécurité sociale (3 086 euros par mois), on retiendra les charges dites salariales suivantes :

Poste Assiette Taux
SS Maladie brut 0,75%
SS Vieillesse p min(brut, pss) 6,75%
SS Vieillesse d brut 0,1%
Chômage min(brut, 4*pss) 2,4%
ARRCO tr1 min(brut, pss) 3%
ARRCO tr2 max(0, min(brut-pss, 3*pss)) 8%
AGFF tr1 min(brut, pss) 0,8%
AGFF tr2 max(0, min(brut-pss, 3*pss)) 0,9%
CSG déductible brut*98,25% 5,1%
CSG-CRDS brut*98,25% 2,9%

Avec ces paramètres, un salarié rémunéré au Smic touche 78,34% de son salaire brut (1 430,22 – 309,78 = 1 120,43). En généralisant, on obtient la courbe suivante :

Où l’on constate que ce chiffre de 78,34% est stable jusqu’au plafond de la sécurité sociale et qu’il décroit ensuite légèrement pour atteindre 74.67% du salaire brut à 5 fois le Smic (ce sont, bien sûr, les deuxièmes tranches Arrco et Agff qui jouent).

Net contre net

Nous pouvons donc maintenant comparer des salaires nets et des ARE nettes [4] :

Un salarié à mi-temps rémunéré au Smic (715 euros bruts) touchera une ARE nette équivalente à 81,8% de son salaire net. Ce taux décroit ensuite jusqu’à c.72,3% pour un salaire brut de 1 035 euro et reste stable au-delà. Notez que, sur le graphique ci-dessus, ce sont des salaires nets qui sont en abscisse.

De la même manière, un salarié à temps plein rémunéré au Smic (1 430 euros bruts), touchera une ARE nette équivalente à 78% de son salaire net. Ce taux décroit jusqu’à 68,5% (salaire brut d’environ 2 070 euros), reste stable jusqu’à un salaire brut de 2 627 euro (i.e. net de 2 061 euros sur le graphique) avant de rechuter à 63,7% (brut de c.2 824 ; net de c.2 212) et de remonter ensuite doucement.

Je rappelle ici que ces estimations sont volontairement conservatrices : dans la plupart des cas (tous ?), le montant des charges prélevées sur votre salaire sont plus élevées que dans mon hypothèse [5] ; c’est-à-dire que le différentiel entre salaire net et ARE nette est vraisemblablement plus faible dans la réalité que dans cette simulation [6].

Soyons réalistes…

À cela, rajoutez le fait que l’arbitrage est particulièrement intéressant sur les bas salaires (le Smic) c’est-à-dire sur ceux où les montants en jeux sont les plus faibles. Typiquement, pour un Smic à mi-temps, vous toucheriez 560 euros nets au maximum ; en vous mettant au chômage, vous ne perdriez, dans le pire des cas, que 102 euros par mois – et encore, on admet ici que le fait de travailler n’engendre pas de frais (transport, garde des enfants etc.). Autrement dit : 76 heures de travail valent-elle 102 euros ?

Je ne doute pas un instant qu’il existe parmi nous un nombre appréciable de gens qui, malgré ce qui précède, préfèreront continuer à travailler quand cette opportunité d’arbitrage se présentera. J’en connais. Mais refuser d’admettre qu’il existe aussi un nombre non-négligeable de chômeurs stratégiques, c’est faire preuve, au mieux, d’une naïveté confondante, au pire, d’un aveuglement coupable.

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[1] En pratique, l’ensemble des éléments de rémunération soumis aux cotisations de Pôle Emploi ce qui inclus les primes et pensions d’invalidité. Pour plus de détails, voir le site de Pôle Emploi.
[2] Calcul effectué sur un mois de 30 jours.
[3] Relativement. Il y a encore quelques règles d'arrondis qui m'échappent.
[4] Pour mémoire, les charges qui pèsent sur l’ARE comprennent une cotisation pour la retraite complémentaire (3% du SRJ), la CSG (6,2% de 98,25% de l’ARE brute) et la CDRS (0,5% de 98,25% de l’ARE brute). En deçà de certains seuils, le bénéficiaire et exonéré de tout ou partie de ces charges.
[5] Mutuelle, prévoyance et effet induit de ces dernières sur votre CSG/CRDS.
[6] Je rappelle que Laure toucherait 83% de son salaire net.

La théorie du ruissèlement

Cette fois-ci, c’est sûr : ce sera un plan social. Pour Robert et la centaine de salariés du chantier, la prochaine étape ce sera le licenciement économique, Pôle Emploi et bien peu d’espoir de retrouver du travail dans la même branche : des chantiers spécialisés dans les yachts de luxe, il n’y en a pas des masses et dans quelques jours il y en aura un de moins.

Pour Robert, il n’y a aucun doute : cette faillite, c’est à cause de la mondialisation et du néolibéralisme ; un symbole de la désindustrialisation ; encore un savoir-faire qui se perd à cause de ces élites incapables de prendre leurs responsabilités. Une fois de plus, lui et ses collègues ont été trahis par ce gouvernement pseudo-socialiste. Robert s’en doutait. C’est pour ça qu’il avait pris sa carte au Parti de Gauche.

Pourtant, Robert en est certain, sauver le chantier, c’était possible ; ce n’était qu’une question de volonté politique ; il suffisait de prendre l’argent où il se trouve : dans les poches des riches.

Salauds de riches !

S’il y a une idée qui a le don de mettre Robert en rage, c’est cette fumisterie de théorie du ruissèlement. C’est un camarade du parti qui lui a expliqué. La théorie du ruissèlement, c’est un peu comme la main invisible mais en pire : c’est l’idée selon laquelle les riches réinjectent leur argent dans l’économie réelle en consommant ou en investissant. C’est comme ça qu’ils s’y sont pris pour ne pas être taxés comme ils auraient dû l’être. Ah oui ! On la voit bien la théorie du ruissèlement maintenant !

Ça a commencé il y a un peu plus de trois ans, quand le patron du chantier a commencé à leur raconter que les affaires se portaient mal. « Les ventes se sont effondrées de 75% en deux ans » qu’il disait, « on est dans le rouge » qu’il rajoutait, « on va devoir se serrer la ceinture » qu’il concluait. Alors, bien sûr, Robert et ses collègues avaient dû avaler toutes les couleuvres possibles et imaginables : gel des embauches, gel des salaires et même du chômage partiel. Vous parlez d’un ruissèlement !

Et quand ça a empiré, qu’est-ce qu’il a fait le patron ? Du ruissèlement ? Eh bien non : il a voulu jeter l’éponge et fermer purement et simplement le chantier. Il a voulu laisser une centaine de travailleurs sur le carreau pour éviter que ça ne ruissèle trop.

C’est à ce moment que le commissaire de Montebourg est arrivé avec son soi-disant « repreneur ». Un type qui, parait-il, travaillait pour fonds-vautour et qui avait passé plusieurs jours à se pavaner sur le site en faisant semblant de s’intéresser au chantier. La comédie a durée deux semaines jusqu’à ce que le commissaire vienne leur annoncer piteusement que le vautour, lui-aussi, avait laissé tomber. Le marché ceci cela, les taxes sur les plus-values qui font fuir les investisseurs… Bref, pas de profits pour les charognards et, là encore, pas de ruissèlement ! Salauds de riches !

Les poches des riches

Demain, le chantier livrera son dernier yacht. Un bijou. Robert et ses collègues y ont passé six mois et tous s’accordent à penser que c’est une de leurs plus belles réalisations. Le client, un riche américain qui travaille à Wall Street, est passé hier après-midi avec sa femme après avoir déjeuné dans un des meilleurs restaurants du coin. Il est arrivé au volant d’une Jaguar qui suffisait à peine à contenir les emplettes matinales de sa femme – Dior, Cartier, Chanel… – et a demandé à jeter un œil sur les dernières finitions qu’il avait commandé.

Perdu dans ses pensées, Robert n’a pu s’empêcher de noter que cette Jaguar sortait des usines anglaises qui font vivre pas moins de dix-mille employés dans les Midlands. Par association d’idée, il a pensé aux serveurs, aux cuisiniers et au sommelier du restaurant dans lequel l’américain avait déjeuné ; si ça se trouve, il y a commandé une bonne bouteille et permit à un viticulteur du bordelais d’augmenter ses ventes. Son esprit a aussi évoqué les milliers de nos compatriotes qui travaillent pour Dior, Cartier ou Chanel, le couturier parisien qui a confectionné le costume de l’américain et – de proche en proche – les millions de gens que ce genre de clients font vivre ; à commencer, bien sûr, par Robert lui-même et ses collègues.

Et puis, c’est jouer de malchance : si ce type-là avait géré un « fonds vautour », il aurait pu être un repreneur idéal pour le chantier. Pensez donc : non seulement il a l’air d’aimer les bateaux mais en plus, il apprécie manifestement le savoir-faire de ce chantier en particulier. Il aurait su que la boîte avait besoin d’argent frais, il aurait négocié un bon prix pour l’augmentation de capital et aurait déversé une partie des centaines de millions qu’il gère pour le compte de ses riches clients étasuniens dans l’entreprise. Ça aurait sauvé une bonne centaine d’emplois plus sûrement que l’intervention d’un commissaire au redressement productif.

Tout compte fait et maintenant qu’il considère la précarité qui va devenir son lot quotidien, Robert se dit qu’il aurait bien aimé que le ruissèlement continue.

La stratégie du chômeur volontaire

Ce n’est pas que Laure ait besoin d’argent. Son mari gagne tout à fait correctement sa vie mais, en partie parce qu’elle souhaite garder un pied dans le monde du travail le temps que ses enfants grandissent et aussi parce que quelques euros de revenu supplémentaires permettrait d’améliorer l’ordinaire, elle a décidé de chercher un poste d’assistante à mi-temps.

Bien sûr, Laure ne partait pas gagnante : elle lit les mêmes journaux que vous et s’attendait à ce que ses recherches soient longues et difficiles. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le cas : je vous passe les détails mais, en ayant répondu à un total de sept annonces, elle a reçu – tenez-vous bien – pas moins de six offres d’emploi fermes [1]. Si l’on en croit le retour d’expérience de ses employeurs putatifs, il y avait, en ce mois de janvier 2013 à Marseille, une véritable pénurie : tous, sans exception, se plaignaient de ne pas arriver à recruter.

Bref, en deux semaines montre en main, Laure a trouvé du travail en ayant l’embarras du choix. C’est finalement sur une grosse société de travaux publics qu’elle a jeté son dévolu : métier intéressant, horaires flexibles, patronne « adorable », comité d’entreprise… C’est tout à fait ce qu’elle cherchait.

Considérations économiques

Contractuellement, Laure travaille le matin à raison d’environ 76 heures par mois pour un salaire brut de 12,17 euros de l’heure (129% du Smic). Économiquement, la situation est la suivante : son salaire réel, la somme que son employeur débourse chaque mois pour bénéficier de ses services ou, si vous préférez, la valeur de marché de son travail s’élève à 1 669,23 euros. Là-dessus, l’État prélève un total de 1 013,61 euros de charges et impôts divers [2] – soit 61% de son salaire réel – de telle sorte que son salaire net, celui qu’elle reçoit à chaque fin de mois sur son compte, s’élève à 655,62 euros. Naturellement, sur ce salaire, elle devra encore s’acquitter de sa quote-part de l’IRPP du couple et paiera une foule d’autres taxes directes et indirectes telles que la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) lorsqu’elle fait le plein de sa voiture pour aller travailler.

Laure n’est pas plus radine qu’une autre et elle ne fait pas de politique mais là, vraiment, elle trouve que ça fait beaucoup. Elle trouverait justifié de disposer librement d’une partie plus importante de son salaire et estime que, tout bien considéré, notre modèle social lui coûte un peu cher.

Par ailleurs, à l’issu de son huitième mois d’activité, Laure aura totalisé – ou peu s’en faut – les 610 heures de travail qui lui ouvriront droit à Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) pour les 245 jours suivants – soit environ huit mois. Or, une rapide simulation sur le site de Pôle-Emploi lui a permis de calculer que, si elle faisait le choix de se mettre au chômage à ce moment-là, elle aurait droit à une allocation journalière de 18,14 euros, net dans sa poche.

Que croyez-vous qu’elle va faire ?

Comprenez-moi bien : aujourd’hui, en travaillant à mi-temps, elle touche 21,85 euros nets par demi-journée de travail et, en se mettant au chômage à partir de la fin du mois de septembre 2013, elle touchera 18,14 euros nets (ou 83% de son salaire net actuel) sans rien faire. En d’autres termes, sur un mois, la différence entre travailler à mi-temps et ne pas travailler du tout sera en moyenne de 105 euros. Rajoutez à cela les économies d’essence et de cantine scolaire qu’elle ferait en restant chez elle, la réduction d’IRPP qui en résulterait et les différentes aides auxquelles son nouveau statut de demandeuse d’emploi lui donnerait droit et posez-vous cette simple question : que croyez-vous qu’elle va faire ?

Un homme sage dont je n’ai malheureusement pas eu la présence d’esprit de noter le nom écrivait un jour que « quel que soit le système que vous mettez en place, vous devriez toujours toujours partir du principe selon lequel les gens l’exploiteront au mieux de leurs intérêts. » Laissez-moi vous énoncer une évidence : fin septembre prochain, il y aura une nouvelle demandeuse d’emploi indemnisée par l’Unédic et cette demandeuse d’emploi ne sera pas vraiment à la recherche d’un travail. Après avoir vu son salaire réel ponctionné à hauteur de 61% pendant huit mois, elle va, elle aussi, essayer de profiter un peu de notre modèle social.

N’en doutez pas, Laure fera sans doute comme ses amies de Facebook : elle va « profiter ». Il y a encore quelques années, c’était une stratégie honteuse, le genre de choses que l’on n’admettait que du bout de lèvre mais aujourd’hui, il est communément admis que Laure serait idiote de rempiler pour huit mois de plus. Le chômage, elle y a droit et c’est son intérêt bien compris : au nom de quel principe lui en feriez-vous le reproche ?

Reste, bien sûr, l’aspect budgétaire de la chose : en huit mois, Laure n’aura cotisé qu’à hauteur de 473,6 euros à l’assurance chômage et percevra, tout au long des huit mois qui suivront, un total de 4 408 euros d’ARE. Évitez-vous le calcul : c’est un trou de 3 934,4 euros dans le budget de l’assurance chômage que le monde nous envie.

Chômage stratégique

Que cela vous plaise ou non, le chômage n’est pas seulement un malheur qui s’abat sur un ménage comme la misère sur la bas-clergé, c’est aussi une stratégie d’adaptation, un choix parfaitement volontaire. Là où la presse et nos politiciens nous brossent le portrait du chômeur médiatique – un salarié du secteur industriel victime d’un licenciement économique suite à une délocalisation – une étude récente de l’Unédic [3] tend à prouver que ce profil-type ne correspond, au grand maximum, qu’à 10% des demandeurs d’emplois. À titre de comparaison, les ruptures conventionnelles et les départs volontaires, c’est plus de 13% de l’effectif.

Le fait est que, dans un pays où l’écart entre de généreuses allocations chômages et des salaires sur-ponctionnés est réduit à presque rien, l’incitation à travailler devient quasiment nulle et plus vous descendez dans l’échelle des salaires, plus le phénomène est évident. La France du chômage, ce sont des jeunes sans expérience, des demandeurs d’emploi peu ou pas diplômés (75,8% n’ont pas fait d’études supérieures) et des mères de famille entre deux temps partiels (sans doute plus de 10% de l’effectif à elles-seules). Il est probablement impossible d’en évaluer précisément l’ampleur mais, de toute évidence, le chômage stratégique est un phénomène massif et directement induit par notre modèle social.

Du point de vue des employeurs potentiels, c’est d’ailleurs une cause entendue depuis longtemps. Thomas, un ami d’enfance, ne passe plus par Pôle-Emploi pour recruter de peur de passer des journées entières à recevoir des candidats qui, manifestement, ne veulent pas du poste mais cherchent juste à valider qu’ils sont bien officiellement à la recherche d’un emploi. Xavier, un ami avocat, a pratiquement supplié Laure de quitter son emploi pour venir remplacer son assistante qui part à la retraite cet été. Dans une région où le chômage bat des records historiques, c’est proprement ubuesque.

À celles et ceux qui veulent continuer à nier l’évidence et qui prétendent défendre les intérêts des victimes de la crise, je n’ai plus qu’une chose à dire : si c’est vraiment l’intérêt des vrais chômeurs qui vous tient à cœur – et c’est tout à votre honneur – réfléchissez bien : tôt ou tard, ce système finira par s’effondrer et ce jour-là, les premières victimes ce seront eux.

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[1] Pour être tout à fait exhaustif, elle avait aussi déposé une annonce dans les locaux de l’ordre des avocat qui, en deux semaine, lui a valu huit appels de cabinets qui cherchaient (désespérément) une assistante, même sans expérience.
[2] Soit 744,23 euros de charges dites patronales, 240,48 euros de charges dites salariales et 28,9 euros de CSG et de CRDS. Je précise ici que j’ai le bulletin d’avril 2013 sous les yeux.
[3] Unédic, Qui sont les allocataires de l’assurance chômage ? (avril 2013) – chiffres à fin-décembre 2011.
[4] Elles représentent à elles-seules, 17% des demandeurs d’emploi indemnisés par l’Unédic.

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