Crédit bancaire aux US depuis 1973

Crédits industriels et commerciaux vs. crédits immobiliers aux États-Unis (en pourcentage du volume total de crédit accordé par les banques commerciales aux États-Unis).

Source : Fed.

Comment la règlementation bancaire a complètement modifié la structure des crédits accordés par les banques aux États-Unis : en janvier 1973, les crédits industriels et commerciaux dominaient (23,7%) les crédits immobiliers (17,2%). En novembre 2011, la relation est complètement inversée : les crédits immobiliers représentent 37,3% des crédits bancaires tandis que les crédits industriels et commerciaux ne représentent plus que 14%.

Pour mémoire : le ratio de Bâle premier du nom (a.k.a. ratio Cooke) est mis en œuvre à partit de 1988, il va de soit que les banques ont anticipé cette évolution règlementaire. L’accélération des crédits immobiliers à partir de 1998 coïncide avec les diverses initiatives de l’administration Clinton destinées à favoriser l’accession à la propriété (notamment des ménages les plus modestes).

L’étrange tâche, édition agences de notation

Imaginons que vous soyez en charge des investissements d’une caisse de retraite (par exemple) et qu’une loi qui encadre votre activité vous impose de ne détenir que des obligations notées A3 au minimum [1]. Les taux sont bas, vous avez des contraintes de passif à gérer et vous décidez d’acheter des obligations d’État italiennes qui, tout en étant en ligne avec ladite règlementation (A2), vous permettent de gagner quelques dixièmes de points de rendement supplémentaires. Par ailleurs, (i) vous n’avez, pour des raisons qui vous sont propres, aucune confiance dans le jugement des agences de notation et (ii) vous êtes absolument convaincu que l’Italie, malgré ses difficultés, parviendra à honorer ses engagements.

Moody’s décide de dégrader la note l’État italien de deux crans à Baa1 : que ce passe t’il ?

Eh bien vous vendez. Vous ne vendez pas parce que vous avez soudainement repris confiance dans le jugement des agences ; vous ne vendez pas parce que vous êtes un odieux spéculateur qui voudrait du mal au peuple italien ; vous vendez parce que votre règlementation vous y contraint.

Petit rappel aux trois quarts de mes compatriotes qui ne savent pas ce qu’est une obligation : une obligation, c’est un titre de créance négociable, c'est-à-dire que c’est un prêt que vous avez accordé à un emprunteur (i.e. l’émetteur) mais qui prend la forme d’un titre que vous pouvez vendre ou acheter sur le marché. Par exemple, l’État français qui a besoin d’argent va annoncer aux différents investisseurs susceptibles de lui prêter de l’argent qu’il compte emprunter 100 millions d’euros sur 10 ans et qu’il se propose de rémunérer cet argent à hauteur de 5%. Dans la pratique – si l’on suppose que ce taux de 5% est suffisant pour attirer le chaland – un certain nombre d’investisseurs vont se proposer de souscrire à cet emprunt ; c'est-à-dire qu’ils vont, collectivement, verser 100 millions d’euros à l’État qui va, en contrepartie, leur signer une reconnaissance de dette dans laquelle il s’engage au nom du peuple français à leur payer un intérêt (le coupon) de 5 millions d’euros par an et à rembourser les 100 millions à l’échéance des 10 années.

Imaginons maintenant que les errements budgétaires de nos gouvernants finissent par inquiéter nos créanciers et que ces derniers, pour éviter de perdre leur argent ou l’argent que leur ont confié leurs clients, décident de se débarrasser de cette obligation. Comme le titre est négociable, ils peuvent le revendre ; c'est-à-dire transférer la propriété de cette dette à un autre investisseur qui devient, de fait, notre nouveau créancier. Or voilà, comme tous le monde est au courant de nos petits soucis financiers, il est évidemment difficile de convaincre qui que ce soit d’acheter notre obligation à son prix d’émission (les 100 millions d’euros) ; pour parvenir à refourguer notre papier, il va falloir consentir à l’acheteur une petite ristourne, lui vendre notre obligation moins cher. Donc, le prix de cette obligation sur le marché baisse [2].

Or, quand le prix d’une obligation baisse, son taux augmente. La raison en est extrêmement simple : dans notre exemple, l’État français s’est engagé à payer un coupon de 5 millions tous les ans pendant 10 ans et à rembourser 100 millions à la fin de la dixième année. Cet engagement de l’État n’est absolument pas conditionné au cours de ses obligations sur le marché. Si vous rachetez ces obligations après que le cours ait baissé [3] pour 95 millions d’euros au lieu des 100 initiaux, vous toucherez vos 5 millions annuels et les 100 à l’échéance. Or, si 5 millions d’intérêts pour un investissement de 100 font un taux de 5%, toucher 5 millions d’intérêts pour un investissement de 95, ça fait un taux de 5,7%. Dire que le prix a baissé ou que le taux a monté, c’est exactement la même chose ; ce sont les deux revers d’une même pièce.

Ce mécanisme, une fois relayé dans la presse, c’est qu’on vous décrit habituellement comme étant une « attaques des spéculateurs ». Dans la vraie vie, ce sont donc des investisseurs qui, inquiets de la capacité des États grecs ou portugais à faire face à leurs engagements (ou pour d’autre raisons… on y arrive), cherchent à revendre leurs obligations à d’autres investisseurs prêts à prendre le risque ; quitte à les brader et donc à essuyer de grosses pertes. Les prix baissent, les taux montent et les politiciens couinent en cœur. Autre détail important : vous avez bien observé que cette hausse du taux n’a aucune espèce d’incidence sur le montant des intérêts dus par l’emprunteur : dans notre exemple, il devait payer 5 millions d’euros par ans et doit toujours payer 5 millions d’euros par ans. En revanche, s’il décide d’émettre une nouvelle obligation pour s’endetter encore un peu plus, l’État concerné devra – comme la première fois – proposer un taux suffisant pour attirer des investisseurs : mais maintenant, le tarif du marché à augmenté.

Revenons-en à notre caisse de retraite. Comme nous l’avons vu plus haut, elle ne vend que pour une seule et unique raison : parce que sa règlementation le lui impose. C'est-à-dire que ce sont ces mêmes politiciens qui couinent aujourd’hui, qui, dans leur sagesse toute relative, ont eut l’idée géniale d’utiliser les notes des agences dans la règlementation. Vous pensez que j’invente ? Eh bien allez donc jeter un coup d’œil aux règlements financiers de l’Agirc et de l’Arrco [4] et vous constaterez comme moi que l’article 16 stipule que les caisses de retraites complémentaires françaises ne sont autorisées à détenir directement que des titres notées A- (A3 chez Moody’s) au minimum sauf en cas de gestion déléguée, et sous certaines conditions, où elles peuvent descendre jusqu’à BBB- (Baa3). Et dans ce même article, les deux règlements précisent en toutes lettres qu’« en cas de dégradation de la note en dessous de la limite fixée, l’institution doit procéder à la cession du titre dans les meilleurs délais et conditions possibles ou informer la fédération si le maintien est jugé opportun. »

Laissez-moi deviner : vous allez me dire que ce ne sont pas les caisses de retraite françaises qui vont, à elles seules, provoquer de tels cataclysmes. Vous avez bien raison. Pour qu’une règlementation stupide de ce type ait de telles conséquences, il faudrait aussi qu’on l’impose aux banques à l’échelle mondiale, aux compagnies d’assurance, aux fonds monétaires étasuniens et à quelques autres investisseurs mineurs du même genre. Alors là, si c’était le cas, les agences de notation auraient suffisamment de pouvoir pour faire la pluie et le beau temps sur les marchés, elles pourraient faire payer leurs notes aux émetteurs et non plus aux investisseurs et elles engrangeraient des montagnes de bénéfices par-dessus le marché. Si c’était le cas, on aurait un exemple flagrant du genre de catastrophes suicidaires que nos politiciens couineurs et incompétents sont capables de créer.

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[1] Un résumé simplifié de l’échelle des notes (long terme) des agences vous est proposé ci-dessous :
Standard & Poor's / FitchMoody's
AAAAaa
AA+Aa1
AAAa2
AA-Aa3
A+A1
AA2
A-A3
BBB+Baa1
BBBBaa2
BBB-Baa3
BB+Ba1
BBBa2
BB-Ba3
B+B1
BB2
......

[2] J’en profite pour rappeler un petit principe important : dire que les prix baissent parce que « tous le monde vend » est parfaitement stupide : pour qu’il y ait une vente, il faut qu’il y ait un achat en face. Les prix baissent parce que les propriétaires acceptent de vendre moins cher et qu’ils trouvent des vendeurs prêts à acheter à ce prix.
[3] Pour simplifier, nous allons supposer que la baisse du cours intervient quelques jours après l'émission (je suis à la disposition de ceux qui veulent des maths).
[4] L’Arrco (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) et l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres) sont des fédérations qui organisent, règlementent et contrôlent le fonctionnement des institutions de retraites complémentaires en France.

NB1 : Voir aussi « Le surprenant pouvoir des agences de notation ».

NB2 : J’ai oublié de préciser qu’une caisse de retraite complémentaire est une institution à but non-lucratif et ultra-réglementée.

La thèse de la folie collective

La thèse officielle, celle qui est relayée par nos partis politiques et les médias, attribue la crise des subprimes à la dérèglementation bancaire. Selon cette vision des choses, une « idéologie libérale dominante » aurait poussé le législateur à mettre fin à tout ou partie de l’arsenal législatif qui empêchait les banques de prendre des risques trop importants au risque de provoquer l’effondrement du système monétaire et financier international. Une mesure souvent citée en exemple est le rappel du Glass-Steagall Act sous la présidence de Bill Clinton, entrée en vigueur en novembre 1999 [1].

La première remarque qu’appelle cette hypothèse concerne la réalité des faits : y-a-t’il eut, oui ou non, une dérégulation de l’industrie bancaire aux États-Unis au cours des dernières décennies ? Évidemment, la réponse est loin d’être évidente. Si l’on se réfère au nombre de lois ou au nombre de pages de textes de lois, on aboutit à la conclusion exactement inverse : comme dans beaucoup de pays occidentaux, la prolifération législative est passée par là. Mais cela ne préjuge bien sûr pas des contraintes que représentent ces lois. En fait de dérégulation de l’activité bancaire aux États-Unis, il y a bien eut un mouvement – de 1980 au rappel du Glass-Steagall Act en 1999 – qui visait à réduire la distinction entre les banques de dépôts et les autres institutions financières. En revanche, les règles prudentielles – celle là mêmes qui sont supposées prévenir des prises de risques excessives – comme les ratios de Bâle se sont, au contraire, largement développées (Bâle I rentre en vigueur aux États-Unis en 1988). L’un dans l’autre la réalité de cette dérégulation bancaire n’a rien d’évident.

Admettons, par hypothèse, que l’évolution du cadre réglementaire des activités bancaires étasuniennes ait effectivement permis aux banques de prendre plus de risques [2]. Reste maintenant à expliquer pourquoi elles l’ont effectivement fait : ce n’est pas parce que la loi vous permet de vous endetter dans des proportions gigantesques, d’acheter des actifs notoirement risqués ou de faire les deux à la fois que vous allez nécessairement le faire. L’explication avancée par la thèse officielle c’est l’appât du gain : les banques ont pris de tels risques dans l’espoir d’accroître leurs profits. Évidement, c’est parfaitement crédible : les opportunités de profits sont, de toute évidence, le principal moteur de décision dans une économie capitaliste. Néanmoins, la recherche d’opportunités de profits est, en principe, tempérée par l’existence de risques de pertes.

A posteriori, nous constatons effectivement que les banques ont pris des risques très excessifs. Par exemple, de début 2007 à aujourd’hui et sur la base de l’indice S&P Banking (source), les actions des banques étasuniennes ont perdu presque les trois quarts de leur valeur (et ce, sans compter les banques qui ont fait purement et simplement faillite). La volonté de gagner de l’argent est un stimulus tout à fait crédible mais il faut aussi expliquer pourquoi les banquiers étasuniens n’ont pas vu et anticipé les risques auxquels ils ont effectivement du faire face par la suite.

On peut, bien sûr, estimer que les dirigeants des 412 banques qui ont fait faillite [3] et des milliers d’autres qui y ont échappé – souvent de peu – étaient tout simplement incompétents. Plus sérieusement, on se demandera pourquoi des professionnels expérimentés et compétents ont pris, en toute conscience, de tels risques. Pourquoi les dirigeants des banques ont-ils pris le risque de perdre leurs emplois et de ruiner leurs actionnaires ? Comment se fait-il que les actionnaires aient laissé faire ? Par quel miracle les créanciers des banques ont-ils continué à leur prêter de l’argent ? Et enfin, comment se fait-il que tout ceci ait eut lieu dans pratiquement toutes les banques des États-Unis et en même temps ? C’est là que la thèse officielle verse dans l’ésotérisme. Aveuglement collectif, « pensée magique », phénomène de mode… Le tenants de la version officielle voudraient nous faire croire que quelques milliers de professionnels expérimentés et compétents sont devenus fous en même temps et ce, sans aucune raison.

La compréhension des causes de cette crise est un objectif important. Il n’est pas ici question de science pour la science ni de débat purement philosophique : nous parlons d’une des crises économiques les plus graves du XXème siècle, un phénomène massif qui a mis des millions de gens au chômage et qui, par ricochet, est en train d’abattre une à une les social-démocraties européennes. Il est ici question du même genre de crise qui a propulsé les nazis au pouvoir dans les années 1930 et provoqué la seconde guerre mondiale. Le sujet ne saurait être traité à la légère et – pardon – mais admettre qu’une vague de folie, une bouffée délirante collective puisse être à l’origine du phénomène ce n’est tout simplement pas sérieux. Il doit y avoir une ou plusieurs raisons rationnelles. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une explication de la crise qui repose essentiellement sur une cause aussi fumeuse.

D’autant plus que l’idée selon laquelle la dérégulation bancaire – et donc, comme nous l’avons vu plus haut, la fin de la séparation entre banque de détail et banque d’investissement – serait à l’origine de la crise souffre d’un handicap supplémentaire. Si on sait que Citigroup, pour prendre un exemple symbolique, a effectivement exploité le rappel du Glass-Steagall Act pour développer ses activités de banque d’investissement, on sait également que ce n’était pas le cas de l’immense majorité des 412 banques qui ont fait faillite selon le FDIC. De la même manière, et pour prendre un autre exemple symbolique, Lehman Brothers n’avait pas d’activité de banque de détail. En d’autres termes, attribuer cette crise à la dérégulation peut éventuellement fonctionner pour Citigroup ou Bank of America mais pas pour Lehman Brothers ni pour la grande majorité des banques qui ont été balayées par ladite crise. A condition, bien sûr, d’admettre aussi la très ésotérique thèse de la folie collective.

Au risque de décevoir le lecteur, je ne m’étendrais pas sur la thése alternative. Comme beaucoup d’économistes, je fais parti de ceux qui pensent que la crise des subprimes est principalement née d’une combinaison de facteurs que sont la politique monétaire de la Federal Reserve, les politiques pro-accession à la propriété du gouvernement américain (Freddie Mac, Fannie Mae, le CRA…), l’aléa moral instauré par le sauvetage systématique des banques depuis 40 ans, une réglementation bancaire qui favorise arbitrairement les crédits immobiliers (et la dette souveraine) aux dépens des crédits aux entreprises et une réglementation des mortgages qui favorise les défauts stratégiques. Peu importe : si vous voulez mettre cette crise sur le dos de la dérégulation ou du libéralisme en général, il va falloir cesser de se contenter de slogans, d’affirmations non-étayées et de raisonnements approximatifs.

Sans quoi, que vous le reconnaissiez ou non, vous porterez une lourde responsabilité dans la suite des évènements.

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[1] La réalité est, comme souvent, plus complexe. Ce qui a effectivement été rappelé en 1999, ce sont les dispositions du Glass-Steagall Act qui séparaient les métiers des banques d’investissement (qui se financent par l’emprunt) des banques de détail (qui se financent par les dépôts).
[2] On admet donc, pour schématiser, que les dispositions prévues par les ratios de Bâle n’ont pas suffit à atténuer les effets supposés du rappel du Glass-Steagall Act.
[3] Sur la base des statistiques du FDIC, durant la période de sept ans qui commence juste après le rappel du Glass-Steagall Act (2000) et finit avec le début de la crise des subprimes (2007) seules une trentaine de banques américaines ont fait faillite. Depuis janvier 2008, le FIDC en dénombre 412 ; soit plus d’une centaine par an.

Qui doit combien à qui ?

Une remarquable infographie de la BBC. C’est ici.

Via Mark Perry.

Crise et déréglementation

« Considérez ceci :

Les banques ont déversé d’énormes sommes d'argent dans une classe d'actifs donnée. Elles étaient encouragées à le faire par le législateur, bien qu'il y ait un certain désaccord quant à savoir si c'était la raison principale de leurs décisions. Ces actifs ont un long historique de bonnes performances, mais un examen attentif des faits aurait allumé des voyants rouges. Le marché des actifs en question plonge alors que le risque de défaut augmente fortement. Cette baisse entraîne de nombreuses grandes banques, obligeant les gouvernements à venir à leur secours.

Qu'est-ce que je viens de décrire ? Le fiasco des subprimes ou le fiasco de la dette souveraine des PIGS ? Je dirais les deux. Je dirais que ces deux crises sont essentiellement identiques. (Je dois préciser que par « essentiellement identiques » Je veux dire par essence, non pas dans les moindres détails.)

Bien sûr, la crise des subprimes est venue en premier, nous allons donc considérer l’explication dominante (progressiste) de la crise des subprimes. Si vous lisez les médias dominants, vous verrez qu'elle est décrite comme une sorte de [moralité] ; les maux de la déréglementation, qui ont permis aux grandes banques avides de faire des paris à fort effet de levier avec l'argent des autres, puis de se décharger des risques sur les contribuables et sur les acheteurs peu méfiants des MBS. Ou quelque chose comme ça.

Évidemment, il serait impossible de raconter une histoire similaire sur la crise de la dette souveraine. Aucun organisme de réglementation de bon sens n'aurait jamais imaginé dire aux grandes banques de ne pas acheter de la dette souveraine européenne au motif que ce serait trop risqué. En effet, la dernière tentative de réglementation (Bâle II) a encouragé les banques à investir dans ces « placements sûrs ». Reprocher la crise de l'euro à la déréglementation ne passe même pas le test du rire. Les criminels étaient les régulateurs eux-mêmes. Le terme « criminel » est-il une hyperbole de ma part ? Pas du tout. Supposons que les dirigeants d'Enron aient utilisé les techniques comptables du gouvernement grec. Ils seraient tous en prison. Comme pour Berlusconi, que peut-on dire à propos d'un dirigeant qui passe continuellement des lois exonérant le Premier ministre des crimes dont il a précisément été accusé ? Comme Keynes l'a dit :

« Les mots doivent être un peu sauvage, car ils sont les assauts des pensées de l’irréfléchi. »

Alors, voici ce que je me demande. Supposons que la crise de la zone euro n'était manifestement pas causée par la déréglementation et les banquiers cupides. Alors, si la crise des subprimes a été pratiquement identique, du moins dans son essence, comment la déréglementation peut-elle être à l'origine de la crise précédente ? Je ne dis pas que c’est logiquement impossible, mais ne semblent il pas beaucoup plus probable qu'il y ait un problème plus systémique profond qui transcende ce cliché facile ? »

C’est de Scott Sumner (traduction grossière de votre serviteur).

Cas pratique : commerces de proximité.

Il y a quelques jours, en me promenant dans le centre ville de Marseille, je suis tombé, pour la première fois de ma vie, sur un Casino Shopping. Il faut que je vous dise, amis lecteurs, que si je ne déteste pas plus que ça faire mes courses, il y a une chose que j’abhorre : ce sont les supermarchés. Je hais leurs rayons interminables bourrés de milliers de références identiques, j’exècre leurs musiques d’ambiances exaspérantes, je vomis leurs éclairages cliniques, je maudis l’attente interminable aux caisses… bref, j’ai une sainte horreur de toutes les grandes surfaces du super à l’hypermarché.

Mais là, le Casino Shopping m’a bluffé.

Comment vous dire ? Dés la porte franchie, un parfait inconnu – qui semble rétrospectivement être le gérant du magasin – me gratifie d'un « bonjour monsieur » façon Pagnol. Je sais, on est à Marseille et à Marseille c’est l’usage mais tout de même, pas dans un supermarché. Ensuite le design des lieux : parquet, rayons tout en rondeur, clairs, accessibles et biens présentés – pour un peu on se serait cru dans une parfumerie. Et le reste s’enchaine : musique discrète, produits choisis, prix normaux, surface limité (560m²), circulation facile, comptoir en bois... Un ovni vous dis-je ! Jugez vous-mêmes :

Alors je me suis renseigné auprès d’une des meilleures spécialistes en commerce de proximité dans le centre ville de Marseille. J’ai nommé : mon épouse. Eh bien le machin a effectivement ouvert cette année et il fait visiblement l’unanimité, notamment auprès de la gent féminine (renseignements pris sur le site de Casino, l’ambiance girly c’était fait pour). Mieux encore, Casino a en fait été devancé dans ce créneau par Carrefour qui a lancé son concept Carrefour City dès janvier 2009. Et effectivement, en y faisant attention, j’en ai repéré trois en 30 minutes de promenade dimanche matin.

Oh miracle ! Les grands manitous de la grande distribution m’ont enfin compris. Après s’être obstiné, pendant des décennies, à ouvrir leurs chambres froides géantes en banlieue, ils ont enfin eut la présence d’esprit de penser à mon insignifiante personne et se sont lancé dans l’ouverture de petites surfaces de proximité. Tous en même temps. La même idée. Un doute m’étreint. On me reproche souvent de toujours tout mettre sur le dos des interventions publiques mais là, vraiment, je n’y suis pour rien. Si Carrefour et Casino se jettent en même temps et avec un tel entrain sur le même segment de marché, ça ne peut pas être du au hasard. Alors j’ai cherché.

Et j’ai trouvé.

Figurez-vous que, pour des raisons que seuls des politiciens peuvent connaitre, les gouvernements qui ont successivement présidé aux destinées de notre pays ont cru bon, depuis le début des années 1970, de limiter sévèrement la concurrence dans la grande distribution. Les français étaient sans doute considérés comme trop riches à moins que le législateur ait estimé que la rapacité des consommateurs soit de nature à ruiner les Carrefour, Auchan et autres Leclerc. Quoiqu’il en soit, la méthode retenue consiste à soumettre l’ouverture d’un nouveau magasin à autorisation d’une des commissions départementales d'équipement commercial ; à l’origine, la loi de 1969 ne concerne que les surface de plus de 3 000m², le seuil au delà duquel une autorisation est obligatoire est ensuite rabaissé à 1 000 m² en 1973 (loi dite « Royer »), puis à 300 m² en 1996 (loi dite « Raffarin »).

Evidemment, comme n’importe quel étudiant en première ou deuxième année d’économie vous le dira, cet arsenal réglementaire et bureaucratique a principalement eut pour effet de créer des petits monopoles locaux (et donc des prix plus élevés pour les consommateurs), de réduire la concurrence entre employeurs (et donc des salaires plus bas) et, d’une manière générale, limiter la capacité du secteur de la grande distribution à créer des emplois. Carton plein. Heureusement, après 40 ans d’errements et de réglementation nuisible, la loi de modernisation de l’économie, votée en juillet 2008, révolutionnera le paysage règlementaire français [ sarcasme ] en remontant le seuil à 1 000 m².

Entrée en vigueur au 1er janvier 2009 et hop ! Des Casino Shopping et des Carrefour City partout.

Deuxième lettre à Nicomaque

Cher Damien,

Il nous faut, je crois, distinguer les normes morales elles-mêmes de leur inscription dans la loi.

Sur la morale en tant que telle, je considère qu’il n’y a pas une morale unique mais des morales individuelles qui, prises ensemble, permettent de dégager un plus petit dénominateur commun ; une conception commune du bien, du mal, du juste et de l’injuste. Tu me dis, par exemple, que tu te définis comme un conservateur moral et culturel ; c’est bien là une des définitions possibles de la morale. Pourtant, tu ajoutes que, bien que conservateur, tu refuses d’imposer tes préceptes aux autres par la force de la loi : c’est, comme tu le dis toi-même, une position originale parmi ceux qui se reconnaissent sous l’appellation de conservateurs – et une position bien plus courante chez les libéraux. C’est donc bien une conception de la morale qui t’est propre, issue de l’héritage transmis par tes parents comme de tes propres expériences et réflexions. De la même manière, si je partage ton attachement à un certain nombre de valeur traditionnelles, je ne me considère moi-même pas comme un conservateur ; il y a aussi en moi un « progressiste » qui pourra, en certaines occasions, voir le bien où tu vois le mal, voir l’injustice où tu ne vois que justice.

La morale dominante, ce plus petit dénominateur commun, est issu d’un consensus au sein des membres de la société ; elle constitue ce que les hommes, en un point de l’espace et du temps, jugent être juste et bien. Les illustrations en ce sens abondent : l’esclavage fût, pendant des millénaires, considéré comme tout à fait moral et, alors que plus tard certaines sociétés le condamnaient, d’autres le maintinrent comme une institution normale de la société. S’il est bien un certain nombre de préceptes qui ont traversé les siècles sans êtres altérés, cela tiens avant tout, selon moi, au fait qu’ils restaient des moyens adaptés à la fin ultime recherchée : la coexistence harmonieuse des membres de la société. Ainsi, la condamnation du meurtre, du vol, de l’adultère ou des faux témoignages dans le Décalogue restent, encore aujourd’hui, des préceptes moraux largement partagés.

Je crois donc que ces idées sont issues de la nécessité et d’un long processus darwinien ; au travers des âges, ce qui a été jugé bon et juste l’a été parce que l’application de tel ou tel principe permettait à la société de fonctionner harmonieusement. Nos définitions du bien et du mal, du juste et de l’injuste ont évolué et les sociétés qui n’ont pas su s’adapter ont disparu, victime d’une morale défaillante au sens le plus terre à terre du terme : c’est à dire que la vie en commun n’était plus possible. Note que je te livre là, finalement, un argument en faveur des valeurs traditionnelles : des siècles d’adaptation et de sélection nous ont livré un certain nombre de règles et de principes éprouvés. Néanmoins, pour éprouvés qu’ils soient, les choses changent et il faut je crois accepter de laisser les normes évoluer avec les sociétés dont elles sont issues.

Je ne crois donc pas que les droits naturels soient – à proprement parler – naturels ; ils sont issus d’un long apprentissage, du code d’Hammourabi à nos Lumières en passant par les philosophes grecs. Poser le principe selon lequel ces règles préexistaient à l’expérimentation humaine requiert de croire en Dieu (et il faudra bien que je te l’avoue tôt ou tard, ce n’est pas mon cas). Les valeurs familiales traditionnelles ont, je crois, tout à voir avec les caractéristiques physiques de notre espèce et les contraintes que nous impose la nature ; elles évoluent aujourd’hui comme elles ont évolué hier – plus vite sans doute mais pour les mêmes raisons. Songe un instant à ce qu’aurait été la condition de nos épouses il y a à peine trois siècles.

La morale nait ainsi de la société, comme un consensus et je ne peux que souscrire sans réserve à ton propos quand tu estimes que c’est à la société d’imposer sa norme et en aucun cas à l’État de dicter sa loi. Oui, mille fois oui, que les lois se bornent à faire respecter les contrats et à protéger les droits des citoyens ; qu’elles se gardent de vouloir « moraliser » la société dès lors qu’imposer une norme morale qui n’est pas issue du corps social revient à imposer les vues de quelques uns au plus grand nombre. Voilà encore, aurait dit Bastiat, ce vieux travers socialiste qui consiste à confondre l’État et la Société.

Ainsi, tu te définis toi-même comme un conservateur mais tu refuses d’imposer tes vues en faisant appel aux pouvoirs coercitifs de l’État. Comment pourrais-je ne pas te rejoindre là-dessus ? Ce que tu décris c’est cette valeur fondamentale commune aux véritables libéraux, ce principe sans lequel aucune société ne peut être véritablement libre : la tolérance. « Un homme libre doit être capable de supporter que ses semblables agissent et vivent autrement qu'il ne l’estime approprié » disait Mises. « Il doit se libérer de l'habitude, dès lors que quelque chose ne lui plaît pas, d'appeler la police. »

Tu évoquais, dans ta première lettre, l’idée désastreuse selon laquelle les criminels seraient des « victimes de la société ». C’est précisément ce que j’appelle une morale défaillante. Elle n’est pas défaillante parce que contraire à une norme universelle et intemporelle ; elle est défaillante parce qu’elle est imposée comme juste par quelques uns mais profondément injuste aux yeux de l’immense majorité des membres de la société ; elle est défaillante parce qu’elle détruit le lien social, le « vivre ensemble » comme on dit de nos jours.

Tu connais mon aversion viscérale pour toute forme de nationalisme ou de racisme ; le nationalisme (le racisme) c’est l’idée selon laquelle notre nation (« race ») serait supérieure aux autres au motif que nous en sommes issus ; le racisme et le nationalisme sont des idées, par essence, collectivistes, où le groupe prend le dessus sur l’individu. Mais jamais je ne plaiderais pour qu’on interdise ses idées. Comme toi, je combattrais mes adversaires sans relâche mais, de grâce, que mes jugements moraux restent à leur place et qu’on cesse de légiférer sur ces sujets.

Je conclue (enfin !). Si le rôle des lois est de garantir la bonne exécution des contrats et de protéger nos droits, alors la morale doit se contenter de définir nos droits ; le reste n’est qu’affaire d’efficacité c'est-à-dire de dissuasion. Si la norme morale de notre société reconnait le meurtre comme un acte qui doit être bannit absolument, que nos lois et leur mise en œuvre soient élaborées afin de le bannir effectivement.

Lettre à Nicomaque

Cher Damien,

Comme tu le supposes très justement, nos avis divergent dès lors qu’il est question d’introduire une notion de morale dans la justification ou l’établissement d’une peine.

Je suis méfiant quant à cette notion de morale. De quelle morale parlons-nous ? Dite par qui et sur quelles bases ? Je tiens, moi, qu’il y a à peu près autant de morales que de membres de la société. Celui-ci fondera ses jugements moraux sur des préceptes religieux, celui-là verra la morale au travers du prisme de ses convictions politiques. Quoique nous fassions, et même si nous réussissons à dégager un consensus, ce que tu nommes « morale » ne saurait être universel ; et je crois même que ni toi ni moi n’aimerions vivre dans un monde où les hommes sont à ce point semblables qu’ils partagent tous la même définition de ce qui est moral et de ce qui ne l’est pas.

Sommes-nous seulement capables de définir une morale commune ? Il faudra bien, me diras-tu, sinon comment pouvons-nous espérer établir des lois. C’est vrai, mais tu m’accorderas que l’exercice qui consiste à définir cet ensemble de normes est, en tant que tel, une tâche qui n’a rien de trivial. La Raison nous impose de reconnaitre que la morale dont découlent les lois est nécessairement une morale normative qui, comme toute norme, porte en elle sa part d’arbitraire. Au même titre que la démocratie permet à la majorité d’imposer ses choix à la minorité, la norme morale dominante s’impose aussi à ceux qui la trouvent immorale. Les deux loups estiment qu’ils sont en droit de manger l’agneau ; reconnaissons à ce dernier le droit de ne pas être du même avis. Dès lors et pour les mêmes raisons, établir des peines « strictement proportionnelles aux crimes » en se fondant sur un jugement moral revient à imposer la norme morale de quelques uns aux autres. C’est juste ou injuste, moral ou immoral selon le point de vue que l’on adopte.

Tu évoques – et je crois que tu as raison – le courant d’idées qui a conduit ceux qui nous ont précédé à considérer criminels et délinquants comme des « victimes de la société ». Contrairement à toi je crois que la pauvreté est bel et bien un facteur aggravant dans la chaine de décision qui peut amener un homme à commettre un délit : en substance, celui qui n’a rien n’a pas grand-chose à perdre et il sera d’autant plus incité à saisir une opportunité de gain, fût-elle risquée. Mais cette interprétation n’invalide pas ton point : ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on est une « victimes de la société ». On peut accuser un individu précis, un mode de gouvernement, la chance, la fatalité, Dieu… mais la société n’y est pour rien. Je te rejoins donc là-dessus : la perversion de notre justice trouve certainement ses racines dans l’idée selon laquelle on peut (et on doit) justifier et excuser le crime au motif que celui qui le commet est une victime de la société ; cette même idée qui permet à certains de justifier un viol au motif que cette même société aurait banalisé la pornographie ou qui veut nous faire croire que la violence est une conséquence de jeux vidéos ou de films d’action.

Mais considère ceci : celles et ceux qui ont instauré cette idée dans notre système juridique n’ont-ils pas, justement, porté un jugement moral ? Ne devons-nous pas y voir la marque des idées marxistes sur l’exploitation de l’homme par l’homme ? Si tu étais toi-même convaincu des thèses communistes, ne serait-ce pas un jugement moral qui t’amènerait à considérer que les criminels sont avant tout victimes de la société ? Voilà une norme qui a justifié une certaine forme de laxisme là où d’autres ont permis l’avènement d’un État totalitaire. Partout et toujours, une morale présumée unique, indiscutable et universelle porte en elle le germe d’une Justice dénaturée.

Je crois en un système fondé sur un nombre aussi limité que possible de principe moraux, des idées suffisamment simples et consensuelles pour qu’elles puissent faire l’unanimité et desquelles découle le droit. Tu as certainement reconnu ce que nous appelons Droits naturels et cette déclaration des droits du citoyen à laquelle nous sommes toi et moi si attachés. De cette déclaration, fondée sur ces principes moraux, doivent donc découler les lois. Elles doivent en découler en ne suivant qu’un unique critère : l’adéquation des moyens aux fins recherchées. Lesquelles fins sont l’établissement des règles qui permettent à tous de coexister harmonieusement dans une société pacifique et le respect absolu de cette unique norme morale commune. Si celles et ceux qui écrivent les lois n’avaient que la moitié de ta sagesse, mon avis serais sans doute différent. Mais tel n’est pas le cas. La chose politique est affaire de convictions, de sentiments violents, d’opinion publique et de considérations électorales ; je ne peux, en conscience, me résoudre à plaider pour une justice soumise à de tels aléas.

Voici pourquoi je plaide pour une justice fondée sur la dissuasion et la dissuasion seule : l’établissement des peines ne nécessite justement pas de porter un jugement moral ; il se fonde sur l’efficacité, sur les résultats obtenus.

Bien à toi.

Eurodominos - Spread France/Allemagne

Les obligations de l'Etat français traitent 1,5% au dessus de leurs équivalents allemands.

Source : Bloomberg

Priceless

«
- So let me get this straight: You’ve been here for height weeks and… you already have a ghetto.
- Well… I mean…
»

C’est grandiose : les gentils « progressistes » qui #Occupy Wall Street, ces merveilleux humanistes bourrés de sentiments mielleux et égalitaristes, après 8 semaines d’occupation de Wall Street ont déjà recréé une bonne vieille société bien ségrégationniste avec son joli ghetto pour les gentils pauvres.

Mieux encore, et pour la bonne bouche, savez-vous où ces pitres se réunissent pour décider de la suite à donner à leurs actions ? Dans le hall du 60 Wall Street : l’immeuble de la Deutshe Bank.

Le 1%, le vrai

Nos députés ont donc refusé, lundi 14 novembre 2011, de réduire leurs indemnités parlementaires de 10%. Les opposants de cette réforme proposée par Lionnel Luca, député UMP niçois tendance Droite populaire [1], à cette mesure parlent de « démagogie », de « gadget », de « populisme » et certains rappellent même qu'ils travaillent beaucoup et méritent bien leurs indemnités (source). Mieux encore, comme le note Sophie de Menthon, l’opposition a visiblement décidé de ne pas ce prononcer – moyen subtil de faire croire qu’on pourrait éventuellement être d’accord mais qu’on refuse de ce prononcer parce que le projet est présenté par un socialiste de droite.

Rappel des faits (officiels… donc sans garantie) :

L’indemnité parlementaire perçue par un député ou un sénateur s’élève à 7 100,15 euros bruts par mois (5 405,76 euros nets) dont 1 420,03 euros d’indemnité de fonction non imposables. A ce montant peuvent se rajouter jusqu’à 2 757,34 euros nets au titre de leurs éventuels mandats locaux.

Les parlementaires disposent également d’une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) de 6 240,18 euros nets à laquelle s’ajoute la gratuité des transport ferroviaires (en 1ère classe) sur tout le réseau SCNF, des voitures avec chauffeur, la gratuité du métro et des taxis à Paris, un budget considérable de déplacement par avion, un bureau individuel au palais Bourbon, au palais du Luxembourg ou dans une de leurs dépendances, du matériel informatique et une prise en charge de leurs frais de téléphone et de leur courrier (liste non-exhaustive). L’IRFM n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu.

Les parlementaires disposent également d’un crédit affecté à la rémunération de collaborateurs de 7 548,10 euros bruts par mois afin de rémunérer leurs assistants (soit l’équivalent de 3 salariés à temps plein payés 2 516,03 bruts).

Par ailleurs, nos parlementaires bénéficient de régimes de protection sociale et de retraite particulièrement généreux et disposent d’un certain nombre de commodités – restaurants, salon de coiffure, kiosque à journaux, prêts immobiliers – dont les tarifs n’ont rigoureusement rien à voir avec ceux pratiqués à l’extérieur de l’enceinte du palais Bourbon ou du palais du Luxembourg.

L’Assemblée Nationale est composée de 577 députés et le Sénat de 348 sénateurs ; une année comporte 12 mois.

En proposant à nos parlementaires de réduire leur indemnités parlementaires de 10%, c’est à un effort de 541 euros par mois (nets) qui leur était demandé ; de 5 406 euros nets, ils seraient passés à 4 865 euros nets (sans que l’IRFM et le reste ne soit le moins du monde impactés).

Je rappelle que, selon l’Insee, à partir de 2 923 euros nets par mois, vous faites parti des 10% des salariés les mieux payés de France ; nos parlementaires touche 84% de plus que ça. Rajoutez un mandat local et l’IRFM et votre parlementaire émarge à plus de 14 400 euros nets par mois – soit presque 4 fois le seuil des 2 923 euros. Je ne sais pas où se situe le fameux 1% des plus gros salaires en France, mais ils ne doivent pas être bien loin les bougres...

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[1] Comme quoi…

Maths dissuasives

Mon papier sur le Pacte 2012 pour le Justice et les commentaires de Me Eolas a suscité quelques émotions (sur Contrepoints et par mail principalement). Par ailleurs, l’Institut Pour la Justice a publié une réponse aux attaques de Me Eolas (voir aussi les commentaires de Cicero Alunitius). Il se trouve qu’il y a, parmi les membres et sympathisants de l’IPJ, un certain nombre de gens pour lesquels j’ai beaucoup de respect et d’amitié ; en conséquence de quoi, il est tout à fait possible que – finalement – j’ai bien fait de signer ce pacte. Je suis donc en train de lire ce que publie l’IPJ – ce que j’aurais du faire avant de signer – et je vous invite à faire de même. Ça, c’est fait.

Je voudrais revenir sur cette notion de dissuasion. Lors de mon précédent billet, j’évoquais cette vieille idée qui me trotte dans la tête selon laquelle, selon moi, la justice ne devait pas être pensée en tant qu’instrument répressif mais en tant que système de dissuasion (Nicomaque me signale que c’est la position que défend l’IPJ). J’ai lu pas mal de commentaires qui assimilent cette notion à de la « prévention ». Ce n’est pas nécessairement faux mais ça mérite tout de même d’être précisé : si par prévention, vous pensez à un système d’incitation destiné à prévenir la criminalité ; nous sommes d’accord. En revanche, si par prévention, vous pensez à je ne sais quel machin social ou autre campagne d’information destinée à expliquer aux sauvageons que tuer, voler, violer (etc…) ce n’est pas bien ; alors là, on est pas du tout sur la même longueur d’onde.

Pour être tout à fait clair, rien ne vaut quelques équations (pas de panique, c’est du niveau primaire) : si l’on suppose que le criminel potentiel est à peu près rationnel (i.e. on exclue les fous furieux et les fanatiques de tout poil) ont peut raisonnablement estimer qu’il envisage de commettre un crime parce qu’il en attend un bénéfice quelconque (de l’argent, la gloire auprès des copains…). Appelons ça, si vous le voulez bien, U1.

Face à U1, le criminel putatif prend en compte deux éléments – on suppose ici qu’il connait à peu près la loi et a une information correcte ou au moins réaliste sur l’état des forces de police et le fonctionnement de la justice : soient U2, la peine prévue par la loi s’il se fait attraper et condamner et p, la probabilité de se faire attraper et condamner [1].

Pour que le criminel ne passe pas à l’acte il faut et il suffit que :
U1 < p x U2

On peut écrire l’espérance de gain associée au crime comme suit :
E = U1 – p x U2

Un exemple avec des euros : U1, les 100 euros que je me mets dans la poche en volant un machin d’une valeur de 100 euros ; U2, l’amende prévue par la loi si je me fais condamner et p, la probabilité d’être attrapé et jugé coupable.

Imaginons que la loi décide que le voleur doit indemniser sa victime de la valeur du bien volé majorée de 30% pour la gêne occasionnée – dans ce cas 130 euros. L’incitation à voler dépend alors de la seule probabilité p : par exemple, avec une probabilité de se faire pincer et condamner de 50% (une chance sur deux), l’espérance de gain liée au vol (E) est de 35 euros (100 – 50% x 130). C'est-à-dire que vous avez tout intérêt à voler : statistiquement, si je vole 100 fois 100 euros par mois, je me paye un salaire de 3 500 euros… Bon business pour qui n’est pas gêné par des considérations morales.

Le seul moyen de faire en sorte que les gens cessent de voler, c’est d’augmenter la probabilité p (au-delà de 77%, le jeu n’en vaut plus la chandelle et les voleurs ne passent plus à l’acte) ou d’augmenter la peine U2 (avec p = 50%, il faut une amende supérieure au double de la valeur du bien volé pour que l’espérance de gain devienne négative).

Dans la vraie vie, la peine U2 encourue par un consommateur de cannabis c’est 1 an de prison et 3 750 euros d’amende (peine maximale). Pour un type pincé en train de fumer un joint, c’est particulièrement sévère mais le fait est que la probabilité d’être effectivement condamné à cette peine (p) est infinitésimale… Quoiqu’il en soit, U1 est largement supérieur à p x U2… et donc, les gens fument. De là, 4 possibilités :

(i) On augmente les peines U2 : lois très sévères et application bien arbitraire garantie (sans parler de corruption...) et on se retrouve dans un monde dans lequel, sur 1 000 fumeurs de cannabis, 999 vivent tranquilles et le millième est arrêté, sévèrement condamné ; sa vie est foutue, juste parce qu’il est tombé sur un gendarme inflexible et un juge pointilleux.

(ii) On double, on triple, on quadruple les effectifs de police chargés de traquer les consommateurs de cannabis pour faire monter p. Sauf à éprouver un amour immodéré pour le bleue des uniformes ou à croire encore aux effets bénéfiques de la dépense publique sur la demande agrégée (il y en a encore), on préfèrera sans doute s’orienter vers une autre solution.

(iii) Pour faire remonter p, on prévoit des sanctions raisonnables mais on les applique systématiquement partout et pour tous. De cette manière, on envoie un signal fort et clair aux aspirants délinquants et on dissuade nombre d’entre eux de passer à l’acte.

Évidemment, dans ce cas précis, il existe aussi une quatrième option : celle qui consiste à arrêter une bonne fois pour toute de dépenser des fortunes pour gâcher la vie de gens qui ne font de mal personne.

En vrai, les délinquants putatifs ne posent pas d’équation pour savoir s’ils vont ou pas devenir des délinquants effectifs. Ils ont un autre système d’évaluation des opportunités et des risques, un système certes moins scientifique mais très efficace : ça s’appelle l’expérience. Un gosse qui voit son grand frère et ses copains trafiquer à longueur de journée, rouler dans des bagnoles de luxe et s’acheter des Rolex comme Séguéla ne peut que constater la rentabilité de leurs petites affaires. Comme, par ailleurs, il ignore tout des lois de notre pays mais rien de leurs conséquences opérationnelles pour le moins aléatoires [2], il est tout à fait capable d’estimer une espérance de rendement avec une fiabilité remarquable.

Bref :
U1 (berline, Rolex...) > p (peanuts) x U2 (peu importe)

Bref. Je n’ai aucune compétence pour juger des solutions pratiques à mettre en œuvre ; ce que je dis c’est que je me fiche éperdument que la justice sanctionne ou éduque le type qui a tué mon fils (à vrai dire, j’aimerais m’en occuper moi-même [3]…) ; je n’ai que faire d’une justice qui prétend réparer la perte de mon enfant ; je refuse de cautionner une justice qui enfermerait les gens par précaution et je ne veux pas abriter un agent de police derrière chaque porte de mon appartement. En revanche, je suis prêt à payer pour une justice qui fasse en sorte que mes gamins vivent en sécurité en dissuadant quiconque de leur faire du mal.

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[1] p étant elle-même une probabilité conditionnelle ; P(A|B) avec A = je suis condamné et B = je me suis fait coincer.
[2] Sauf, bien entendu, pour les automobilistes flashés à 136 km/h sur l’autoroute à 2 fois 4 voies, en ligne droite, par temps sec et lumineux.
[3] Non, rien…

Alea moral, édition landesbanks

Hier, mercredi 16 novembre 2001, Moody’s a publié un rapport dans lequel l’agence dégrade la dette senior de 10 landesbanks et filiales de landesbanks (communiqué de presse). Seules WestLB et Landesbank Berlin échappent à la dégradation ; DekaBank Deutsche Girozentrale (DekaBank) perd 1 notch ; 3 institutions perdent 2 notches et 6 banques sont dégradées de 3 notches.

NomDeANotches
DekaBankAa2Aa3-1
HelabaAa2A1-2
SaarLBA1A3-2
HSHA3Baa3-2
BayernLBA1Baa1-3
Deutsche HypoA1Baa1-3
LBBWAa2A2-3
NORD/LBAa2A2-3
NLBLAa3A3-3
BremerLBAa2A2-3

Les landesbanks sont une spécificité allemande ; ce sont des banques publiques, majoritairement détenues par leurs länders respectifs. Après Dexia, celles et ceux qui nous expliquent que cette crise est une conséquence de la rapacité des banquiers vont devoir nous expliquer comment et pourquoi des banques publiques, détenues, réglementées et gérées par les pouvoirs publics se trouvent, elles aussi, dans une telle situation. Mais là n'est pas le plus intéressant.

Ce qui est fascinant dans cette annonce, c’est la raison principale évoquée par l’agence. Textuellement, Moody’s estime que « le soutien gouvernemental des banques du secteur public allemand est devenu moins certain. » Nous avons donc là une agence de notation officielle qui nous dit textuellement que les notes relativement bonnes de ces banques étaient principalement liées à l’hypothèse d’un soutien des pouvoir publics ; c'est-à-dire des contribuables. Ce que nous dit Moody’s, c’est que (i) cette garantie n’est pas officielle mais que (ii) tous le monde, les agences en premier, comptait dessus en prêtant de l’argent à ces institutions. L’alea moral dans toute sa splendeur.

Après le gaz, l'huile

En complément de mon papier sur les gaz de schiste, cette fois-ci sur l'huile de schiste : Dans le Dakota du nord, l’exploitation de la formation de Bakken dans le bassin de Williston bat son plein ; au cours des deux dernières années, la production d’huile de schiste de l’État a doublée pour atteindre 464 129 barils de brut par jour en septembre 2011 – c'est-à-dire 96% de la production de l’Équateur (485 000 bpj). On estime la réserve de pétrole exploitable de la formation de Bakken à 4,3 milliards de barils (autant que l’Égypte).

Pour mémoire : en France aussi on a du pétrole. En revanche, on a que des mauvaises d'idées.

Via Mark Perry.

RIP Malthus, édition gaz de schiste

Dans un rapport spécial publié en 2010 [1], le Conseil Mondial de l’Énergie estimait la ressource mondiale de gaz de schiste à 456 trillions [2] mètres cubes tandis que les réserves de gaz naturel conventionnel étaient évaluées à 187 trillion m3. Le moins que l’on puisse dire c’est donc que le gaz de schiste, c’est tout sauf une ressource d’appoint. En revanche, l’extraction du fameux gaz pose quelques problèmes pratiques et financiers qui sont loin d’être négligeables : primo, il est emprisonné dans des roches (des schistes argileux sédimentaires [3]) peu perméables qui ne permettent pas d’obtenir un débit suffisant pour rentabiliser un forage et ce, d’autant plus que, secundo les fameuses roches se trouvent en général à bonne profondeur et sur des surface relativement étendues. Bref, il y a encore une dizaine d’années, peu de gens croyaient à une exploitation industrielle rentable du gaz de schiste.

Mais George P. Mitchell, lui, y a cru dur comme fer. Né en 1919 d’un couple d’immigrants grecs, c’est l’homme qui va changer la donne. Diplômé de l’université Texas A&M avec une spécialisation en géologie et en ingénierie pétrolière, Mitchell se lance dans l’industrie et, en 1946, fonde la Mitchell Energy & Development. Quand, dans les années 1970, les deux premiers chocs pétroliers propulsent le prix du baril au-delà des 20 dollars (en dollars courants), Mitchell commence à étudier la possibilité d’exploiter les gaz de schistes. Au cours des années 1980-90, il va tester des combinaisons de techniques connues de longue date mais qui n’avaient, jusqu’à ce jour, jamais étés combinées ensembles sur la formation géologique de Barnett Shale (Texas).

La première de ces techniques, connue depuis le XIXème siècle, c’est celle du forage horizontal qui permet, à partir d’un seul puis de chercher du gaz ou du pétrole sur une zone plus large. Le seconde, c’est la fracturation hydraulique (ou « fracking ») ; une méthode qui consiste à injecter du liquide dans la roche pour la fracturer et permettre ainsi au gaz ou au pétrole emprisonné à l’intérieur de s'écouler plus facilement. Mitchell l’améliorera en ajoutant du sable à l'eau pour maintenir les fissures ouvertes. Mais son véritable coup de génie c’est de combiner ces deux techniques dans le but de rentabiliser l’extraction du gaz de schiste. Et après deux décennies d’effort, il va y parvenir.

Nous sommes donc au tournant du millénaire et les prix du gaz naturel font de nouveau une embardée spectaculaire. Fortes du succès de la méthode Mitchell à Barnett Shale, qui a par ailleurs été confirmé par des résultats similaires dans la formation de Fayetteville Shale (Arkansas), plusieurs entreprises se lancent dans l’aventure si bien qu’entre 2000 à 2006, la production de gaz de schiste étasunienne progresse de 17% par an pour atteindre un volume d’environ 28 milliards de mètres cubes en 2006 – soit 6% de la production totale de gaz naturel des États-Unis. Mais ce sont surtout les envolées des prix du gaz naturel aux seconds semestres 2005 et 2008 qui vont servir de véritable déclencheur à une petite révolution de l’industrie.

A chaque fois que le prix de quelque chose monte, on voit invariablement ressortir les mêmes théoriciens malthusiens qui viennent nous expliquer que nous allons bientôt manquer de tout, qu’ils y a trop de gens sur terre, qu’il faut décroître de notre plein grès sans quoi Mère Nature nous y forcera bientôt. On assiste à un ballet de géologues, de sociologues, de physiciens, de mathématiciens et – bien sûr – de politiciens trop heureux d’avoir une gigantesque catastrophe à nous vendre pour justifier une intervention massive de l’État dans nos vies. Ces gens sont, en général, tout à fait compétents dans leurs domaines respectifs [4] mais en matière d’économie, ils sont en général parfaitement analphabètes. Ce qu’un économiste sait c’est que quand le prix d’une ressource augmente les consommateurs de cette ressource sont incités à consommer moins ou autre chose tandis que les producteurs reçoivent une très forte incitation à investir pour trouver de nouveaux gisements, améliorer leurs productivité ou – à défaut – développer une ressource alternative.

Et c’est exactement ce qu’il va se passer au début des années 2000 dans l’industrie du gaz naturel aux États-Unis. Avec des prix historiquement élevés, c’est toute une industrie qui va soudain trouver très profitable d’investir dans la méthode de Mitchell pour exploiter du gaz de schiste. En quelques années, les exploitations vont se multiplier comme des petits pains dans les gisements de Haynesville, de Marcellus, de Woodford, de Eagle Ford et d’ailleurs si bien qu’entre 2006 et 2010, la production de gaz de schistes étatsunienne progressera de 48% par an en moyenne. En 2010, ce sont ainsi près de 136 milliards de mètres cubes qui sont extraits du sous-sol ; soit 23% de la production totales des États-Unis.

Bien sûr, cette augmentation de la production c’est traduite par une baisse des prix : depuis 2009, les futures gaz naturel du CME se négocient aux alentours des 4 dollars, leur niveau le plus bas depuis dix ans (ajusté de l’inflation). Et pendant ce temps, alors que le gouvernement des États-Unis continue à brûler des milliards de dollars en subventions [5] pour les énergies dites « renouvelables », « durables » ou « vertes » et autres lubies de politiciens biens nourris par les lobbies, les entreprises minières embauchent à tour de bras et, par ricochet, relancent les aciéries, les transports ferroviaires et – d’une manière générale – l’économie d’États comme la Louisiane, le Dakota du nord, le Texas, la Virginie occidentale ou la Pennsylvanie. Dans le cas de cette dernière, par exemple, on estime le nombre d’emplois créés par cette nouvelle activité quelque part entre 44 000 et 72 000 ; dans le conté de Bradford, le taux de chômage qui était de 10% en 2009 a été divisé par deux depuis grâce à l’exploitation du gisement de Marcellus Shale.

Selon les plus récentes projections de la Energy Information Administration (EIA), avec un volume de production de près de 150 milliards de mètres cubes, le gaz de schiste pourrait représenter dès cette année un quart de la production américaine. Et c’est probablement loi d’être fini puisque dans son rapport 2001 [6], la même EIA réévaluait les réserves de gaz de schiste techniquement exploitables aux États-Unis de 9,8 trillions de m3 à – tenez vous bien – 23,4 trillions. A horizon 2035, l’EIA estime que le gaz de schiste pourrait bien compter pour la moitié de la production US. Les prix du gaz naturel se sont dors et déjà désolidarisés de ceux du pétrole et on voit déjà fleurir les premiers rapports qui cherchent à évaluer les conséquences géopolitique d’un monde ou les États-Unis sont non seulement autosuffisants mais même peut-être exportateurs ; on pense naturellement à la Russie et l’Iran.

Un petit graphique vaut mieux qu'un long discours (NB: Shale gas = gaz de schiste) :

Source: EIA, Annual Energy Outlook 2011 (page 3)

Épilogue : encore selon l’EIA, la France détiendrait –avec la Pologne – les plus importantes ressources de gaz de schiste techniquement recouvrables en Europe ; un total estimé à 5 trillions de mètres cubes (sans compter les réserves d’huile de schiste qui vont avec) soit un bon siècle de consommation au rythme actuel. Malheureusement, en France, on a du gaz de schiste mais on a pas de bonnes idées : non seulement vous n’êtes propriétaire de votre sous-sol que s’il est vide [7] mais en plus, le 30 juin 2011, alors que les polonais se frottaient les mains, nous sommes le premier pays à avoir interdit la fracturation hydraulique jugée trop polluante par l’habituel quarteron de bobos-écolos adeptes du principe de précaution à outrance [8]. La machine à perdre est en marche, rien ne saurait l'arrêter...

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[1] Survey of Energy Resources: Focus on Shale Gas.
[2] Avec 1 trillion = 10^12 ou mille milliards (échelle courte).
[3] Non, je ne fais pas le malin : j’ai copié ça sur Wikipédia.
[4] Les mathématiciens se révèlent particulièrement bons pédagogues quand il s’agit d’expliquer ce qu’est une croissance exponentielle…
[5] Un rapport du département de l’énergie étasunien de 2008 estimait que, sur la période 1961-2008, le gouvernement fédéral avait dépensé environ 172 milliards de dollars dans la recherche et le développement de nouvelles technologies liées à l’énergie. En vain, comme d’habitude.
[6] EIA, Annual Energy Outlook 2011.
[7] Wiki : « En France, la propriété du sol entraîne propriété du sous-sol (article 552 du code civil), mais le code minier prévoit que les gisements miniers ne peuvent exploités qu'avec l'autorisation de l'État et pas nécessairement au profit du propriétaire. »
[8] Voir, notamment, Vincent Benard sur ce sujet.

La terre vue de l'espace

Une petite merveille sur Vimeo : Earth | Time Lapse View from Space, Fly Over | NASA, ISS de Michael König.

Via Mark Perry.

Golden State mais plus pour longtemps

S’il y a une chose formidable dans une fédération d’États, c’est que quand les entreprises délocalisent d’un État à l’autre, l’analyse des raisons et des solutions est soudainement débarrassée des scories nationalistes et mercantilistes qui pourrissent les discussions en matière de commerce international. Typiquement, depuis 2007, plus de 2 500 employeurs ont quitté la Californie ; emmenant avec eux quelque chose comme 109 000 emplois. Et devinez quoi ? Personne ne songe à accuser l’Arizona, le Texas ou la Caroline du sud de concurrence déloyale, personne ne suggère qu’il faudrait élever des barrières douanières à l’intérieur de l’union ou abandonner le dollar US mais tous le monde comprend bien où est le problème et qui l’a créé.

Why Businesses Move Out of California: MyFoxLA.com

C’est très simple : c’est la crise, pour survivre les entreprises doivent contrôler au maximum leurs coûts et lorsque vous êtes une entreprise basée à Los Angeles, déménager pour un conté voisin vous permet d’économiser 20% sur vos coûts de fonctionnement ; déménager dans un autre État vous permet d’économiser jusqu’à 40%. Or voilà, la Californie est l’État le plus lourdement régulé et un des plus taxés des États-Unis et Los Angeles est, de ce point de vue, la pire ville de Californie.

Réforme judiciaire, raison et sentiments

Voici une vidéo qui circule beaucoup depuis quelques jours sur internet ; elle a été publiée par l’Institut Pour la Justice (IPJ) pour nous inciter à soutenir leur Pacte 2012 pour la Justice. Et voici les commentaires de Me Eolas sur son blog qui accuse l’IPJ de se livrer à une manipulation éhontée.

Raison et sentiments

J’ai un aveu à faire : j’ai reçu le lien vers cette vidéo par mail et je l'ai signée. Mais à la lecture du texte de Me Eolas, clairement, je regrette de l’avoir fait. Je ne regrette pas d’avoir signé parce que je juge désormais les propositions de l’IPJ mauvaises mais parce que Me Eolas m’a convaincu que j’ai signé un ensemble de propositions très vagues sur la base de l’émotion provoquée par cette vidéo. Ce faisant, j’ai fait précisément ce que je reproche à beaucoup de mes concitoyens en matière d’économie : j’ai confondu Raison et sentiments. Ce faisant, j’ai commis une faute non seulement intellectuelle mais aussi morale. C’est aussi une faute morale parce que j’ai apporté mon soutien à des idées dont je ne peux pas objectivement dire que je les connaisse vraiment ; des propositions avec lesquelles je ne suis, en réalité, peut être pas vraiment en accord.

Entendons nous bien : je ne porte pas de jugement sur ce que propose l’IPJ. En fait, je ne sais pas précisément ce qu’ils proposent. Je ne juge pas non plus la méthode qu’ils ont utilisé pour se faire connaitre – c’est du marketing qui, comme tout marketing, comporte sa part d’emballage flatteur et de vérité enjolivée. Le seul coupable ici c’est moi et, même si je ne partage pas certaines de ses critiques, Me Eolas m’a rappelé à l’ordre. Ou plutôt à la Raison. Grâce lui soit rendu et que ça me serve de leçon : la colère et la compassion qu’ont suscité en moi l’histoire d’un père qui a enterré son fils assassiné ont troublé mon jugement. C’est mal.

En relisant – attentivement cette fois – les points avancés par les uns (l’IPJ) et les autres (Me Eolas), je réalise que je suis en vérité en désaccord avec les deux parties sur un point de détail : le rôle même de la justice, des lois et des sanctions. Contrairement aux membres de l’IPJ et à Me Eolas, je ne suis pas juriste et mes connaissances en droit positif sont négligeables [1] ; je vais donc soigneusement éviter ce terrain sur lequel je suis bien incapable de dire autre chose que des imbécilités. Je vais donc vous parler, amis lecteurs, de philosophie du droit :

Une petite philosophie du droit

Il y a, dans les idées avancées par l’IPJ et Me Eolas un point commun qui me semble fondamental : c’est l’idée selon laquelle la justice doit être un appareil répressif dont la mission consiste, lorsqu’un crime a été commis, à réclamer et à mettre en application les sanctions et réparations voulues – ou supposées voulues – par la Société. Eh bien je ne suis absolument pas d’accord avec cette idée : je crois moi que le rôle de la justice, des lois, des sanctions et de leur mise en application n’est ni de punir (IPJ) ni de réparer (Me Eolas) les crimes commis mais d’éviter que des crimes ne soient commis. La justice ne doit pas être un appareil de répression mais un appareil de dissuasion.

C'est-à-dire que quand la police arrête un suspect, quand la justice le déclare coupable et quand l’administration pénitentiaire le met sous les verrous, nous n’avons pas affaire à un succès de notre appareil répressif mais à un échec de notre appareil dissuasif : un crime a été commis, quelque part en France, des parents pleurent peut-être leur enfant assassiné. C’est tout sauf un succès, quelque soit la sanction, quelque soit la réparation.

On peut croire que la punition servira de leçon au criminel et qu’une fois sa peine purgée, il ne recommencera pas. Mais ça n’enlève rien au fait qu’un crime a bel et bien été commis et c’est ignorer un peu vite ce que tous policier sait : la prison c’est aussi une formidable université du crime. On peut croire que la sanction, en reconnaissant le statut des victimes et en leur « faisant justice », atténuera leur peine ou leurs ressentiments mais – comme le note Me Eolas lui-même – c’est une illusion. Soyons clair : si quelqu’un devait tuer un de mes enfants, la seule sanction qui me semblerait appropriée s’apparenterait plus au génocide moyenâgeux qu’à une procédure pénale ; mais quand – épuisé et les mains couvertes de sang – j’aurais fini de mener ma petite vendetta, il me restera l’absence d’un enfant et mes yeux pour le pleurer. La punition et la réparation ne sont que de piètres sparadraps apposés sur une blessure que rien ne saurait guérir ; je tiens moi, que le rôle de la justice est de faire en sorte que cette blessure ne me soit pas infligée.

Tout ceci peut sembler bien éloigné des considérations pratiques de celles et ceux qui votent les lois et de celles et ceux qui sont chargés de mes faire respecter. Mais les implications de cette simple idée sont, au contraire, tout ce qu’il y a de plus pratique. Pour que la loi respectée, elle doit admise comme juste par le plus grand nombre, elle doit être dissuasive, elle doit être crédible et - last but not least - elle doit être connue de tous.

Quand une loi ne correspond pas à l’idée que le peuple auquel elle s’impose se fait de la Justice, tous – jusqu’aux forces de l’ordre et l’appareil judiciaire – cessent de l’appliquer ou, du moins, l’appliquent de manière aléatoire et discrétionnaire. Une loi qui n’est, de fait, pas appliquée ne l’est en général pas parce que les citoyens de ce pays ne supporteraient pas qu’elle le soit. Qu’attendons-nous pour nous en débarrasser ?

Pour parler comme un économiste, la loi est dissuasive quand l’utilité négative procurée par la sanction est supérieure à l’utilité positive qu’on attend d’une transgression. Mais cela ne suffit pas. La peine qu’un criminel potentiel s’attend à subir est toujours pondérée d’une probabilité : celle d’être effectivement prit, jugé et condamné. Il est absolument inutile de voter des lois toujours plus sévères ; il faut commencer par appliquer les lois existantes et les appliquer systématiquement, partout et à tous.

Enfin, est-il utile de rappeler que ni vous ni moi ne connaissons la loi de notre pays ? « Nul n’est censé ignorer la loi » disait l’autre ; eh bien le fait est que même les meilleurs juristes de France ne connaissent pas toutes nos lois. Pléthoriques et en prolifération constante, elles forment désormais un maquis impénétrable qui favorise le procédurier bien conseillé et piègent l’honnête citoyen. Si vous avez dix mille réglementations, disait Churchill, vous détruisez tout respect pour la loi. Un pays où les règlements changent tous les quatre matins au grès de l’actualité, du « volontarisme » politique ou – pour parler plus crûment – du clientélisme de ceux qui gouvernent n’est plus un État de droit ; le règne des hommes à remplacé celui de la Loi.

Nous n’avons pas besoin de nouvelles lois ; nous n’avons pas besoin de lois plus sévères ; nous n’avons pas besoin de consacrer plus de ressources à la police ou à la justice. Nous avons besoin de moins de lois, des lois claires, connues de tous et appliquées systématiquement partout et pour tous. Paradoxalement, la marque du plus efficace des systèmes judiciaires est la même que celle du plus inopérant : les prisons sont vides.

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[1] Comment ce fait-il que les bases du droit en vigueur dans notre pays ne soient pas enseignées à l’école de la République ?

Pas de délit d'initié à Washington

Imaginez que vous soyez siégiez au congrès des États-Unis et que, en plein débat sur la réforme du système de santé (i.e. Obamacare), vous vendiez ou achetiez des actions de compagnies d’assurance-santé en fonction de la tournure que prennent les évènements au congrès. Naturellement, comme vous êtes au courant avant tous le monde des lois qui vont être votées, vous allez faire un gros paquet d’argent. Scandaleux me direz-vous : le congressman qui se livrerait à de tel agissements se rendrait tout simplement coupable d’un délit d’initié caractérisé et devrait, comme n’importe quel citoyen américain convaincu des mêmes faits, aller en prison.

Eh bien non, naïfs que vous êtes. Figurez vous que c’est parfaitement légal :

Question : le délit d’initié s’applique t’il à nos ministres et parlementaires et sont-ils contrôlés ?

La culture financière des français

Selon une étude du Crédoc, « seul un Français sur quatre (24 %) est capable de dire ce qu'est une obligation (dans une liste de réponses proposées), bien que la crise de la dette fasse les gros titres de la presse depuis plusieurs mois. ». On apprend aussi – entre autres choses – qu’« une frange non négligeable des sondés croient aux miracles : 25 % estiment qu'il est possible de trouver un produit financier qui soit ‘à la fois très rentable et très peu risqué’. »

Tout s’explique.

Via h16.

Raid sur Gibson

Même sans être particulièrement musicien, vous connaissez certainement Gibson. Avec 117 années d’existence, les guitares de Nashville, Tennessee ont écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire du rock. La Gibson, c’est l’instrument de Slash (Guns N' Roses), de Jeff Beck, de Chuck Berry, d’Eric Clapton, de Bob Dylan, de The Edge (U2), de Sheryl Crow, de Dave Grohl (Foo Fighters, Nirvana, TCV), de Jimi Hendrix, de Steve Jones (Sex Pistols), de Mark Knopfler (Dire Straits), de Bob Marley, de Keith Richards (The Rolling Stones), d’Angus Young (AC/DC), de Carlos Santana, de Lenny Kravitz, de Pete Townshend (the Who), de B.B. King et le double manche de Jimmy Page – rien que ça. Eh bien figurez-vous que, le 24 août dernier, plusieurs équipes de SWAT armées jusqu’aux dents et des agents du Fish and Wildlife Service ont investit trois usines et le siège de Gibson, interdisant même à Henry Juszkiewicz, le PDG du groupe, d’accéder à son bureau.

Le gouvernement étasunien soupçonne la firme de Nashville d’avoir importé du bois de rose sans respecter la loi indienne et donc en transgressant le Lacey Act de 1900. Plus précisément, la réglementation indienne stipule que le bois de rose exporté doit l’être sous forme de produit fini mais l’administration américaine estime visiblement que les touches de guitares importées par Gibson n’étaient pas suffisamment finies. En d’autres termes, monsieur Juszkiewicz dispose des autorisations délivrées en bonne et due forme par le gouvernement indien mais que le gouvernement des États-Unis interprète la législation indienne de manière différente et estime donc que Gibson n’a pas respecté la loi indienne. Ubuesque.

La petite armada fédérale a donc saisi une centaines de guitares finies, 6 000 touches de guitares et une bonne partie du stock de matériaux bruts de Gibson – soit deux à trois millions de dollar de matériel – ce qui, notamment un période de crise, n’est pas sans poser quelques problèmes de trésorerie à la firme de Nashville, à ses 1 200 salariés américains et à ses fournisseurs. Et ce, d’autant plus que Gibson avait déjà subit un raid du même genre en 2009 quand les mêmes autorités fédérales soupçonnaient l’entreprise d’avoir violé ce même Lacey Act en important illégalement du bois d’ébène de Madagascar. Dans les deux cas, aucune condamnation n’a été prononcée à ce jour mais le matériel de Gibson reste entre les mains des agents fédéraux.

Les mauvaises langues se demandent si les attentions du gouvernement fédéral ne seraient pas motivées par le fait que Gibson n’est pas syndicalisée ou, pire encore, si la firme de Nashville n’aurait pas été trop pingre avec le collecteurs de fonds du parti Démocrate. Quoiqu’il en soit, entre deux plans de relances inefficaces, l’administration Obama fait feu de tous bois pour anéantir le plus surement possible une des plus anciennes et prestigieuses entreprises industrielles américaines.

Occupy Michael Moore

Michael Moore celui-là même qui explique volontiers que le capitalisme n'a rien fait pour lui et qui parade ces jours-ci à Wall Street en expliquant à qui veut bien l'entendre qu'il faut poursuivre la lutte contre le fameux 1% ; eh bien ce même Michael Moore est, en plus de sa résidence principale de Manhattan, l'heureux propriétaire d'une petite maison de vacance d’un peu plus de 900m² sur le Torch Lake dans le Michigan (photo ci-dessous). La bicoque est estimée à 2 millions de dollars.

Notez au passage le voisinage très « 99% » de notre chasseur de subventions publiques professionnel : Bruce Willis, Madona, Tim Allen et quelques très opulents industriels ; en revanche, comme le note Mark Perry, pas un seul noir dans les parages.

Occupy ton temps à autre chose

Bill Gates et Steve Ballmer sont tous deux issus de familles aisées de notables de Seattle pour Gates et de Detroit pour Balmer. Ils se sont rencontrés à Harvard, là où Gates et Paul Allen, encore étudiants, fondent Microsoft en 1975. Ballmer rejoindra l’équipe en 1980.

Warren Buffett est le fils d’Howard Buffet, un politicien américain. Fort des enseignements de Ben Graham, il se lance dans une carrière d’investisseurs qui lui permettra, de proche en proche, de racheter une petite entreprise textile au bord de la faillite, Berkshire Hattaway, qu’il transformera en un des plus gigantesques conglomérats de l’histoire.

Larry Ellison est né dans le Bronx d’une fille-mère de 19 ans et d’un pilote de l’US Air Force qu’il n’a jamais connu ; il fut adopté par son oncle et sa tante alors qu’il avait 9 mois. Brillant et passionné d’informatique, il travaille sur un projet de base de données pour la CIA, le projet « Oracle », qui deviendra le nom de sa future entreprise.

Diplômés du MIT, Charles et David Koch sont les petits fils d’un immigrant néerlandais et les fils d’un entrepreneur du Kansas ; en quelques années ils ont transformé Koch Industries, la petite entreprise paternelle, en un des plus grands conglomérats des Etats-Unis.

Christy Walton est la veuve et l’héritière de John T. Walton, le fils du fondateur de Wal-Mart. Elle est, avec ses beaux-frères Jim et Rob et sa belle-sœur Alice ont hérité de Wal-Mart, le géant de la distribution fondé par leur père et beau-père, Sam Walton [1].

Fils d’un écrivain juif-hongrois, Georges Soros survit à l’oppression nazi et à la bataille de Budapest avant d’émigrer pour faire ses études à la London School of Economics [3] ; sans un sous, il financera son éducation grâce à l’aide de son oncle et à plusieurs petits boulots. Une fois diplômé, il émigre aux Etats-Unis et y entame sa carrière qui fera de lui un des investisseurs les plus célèbres de tout les temps.

Presqu’autodidacte, Sheldon Adelson a accumulé les expériences professionnelles et a créé plusieurs petites entreprises avant de réussir son premier gros coup avec le COMDEX, la première exposition dédiée au monde de l’informatique, et de construire son immense fortune dans le monde des casinos.

Michael Bloomberg, l’actuel maire de New York, est né d’un père agent immobilier et lui-même fils d’immigrants. Il a payé ses études en garant des voitures dans un parking avant d’entamer une carrière dans la finance et d’utiliser ses indemnités de licenciement chez Salomon Brothers pour fonder l’entreprise qui porte son nom, aujourd’hui un des leaders mondiaux de l’information financière.

Jeff Bezos est le fils d’une fille de rancher texan remariée quand il avait 5 ans avec un immigrant cubain qui l’a adopté et lui a donné son nom. Passionné d’informatique, il passe quelques années à travailler sur les ordinateurs de Wall Street et, en 1994, fonde Amazon.com dans son garage.

On ne présente plus Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, fils d’une psychiatre et d’un dentiste de New York, le petit génie de l’informatique créé la première version du site qui va faire sa fortune dans sa chambre d’étudiant à Harvard.

Sergey Brin et Larry Page sont l’un et l’autre des fils de scientifiques ; les parents de Page étaient professeurs de sciences informatiques à l’université du Michigan et la famille Brin a émigrés d’URSS pour fuir les politiques antisémites qui leur interdisaient l’accès aux meilleurs postes. Les deux compères se rencontrent à Stanford et y fondent leur petite entreprise en 1998. Google est né.

Issu de la bourgeoisie new-yorkaise et fils du directeur financier d’une firme de relations publiques, John Paulson est né et a grandit dans la grosse pomme. Il fait carrière dans les fusions & acquisitions et finit par fonder en 1994 son propre hedge fund, Paulson & Co, avec 2 millions de dollars et un employé.

Michael Dell est le fils d’une orthodontiste et d’un broker texan. En 1984, il créé sa petite entreprise alors qu’il est encore étudiant à l’université du Texas grâce à un investissement de 300 000 dollars de sa famille. Dès sa première année, la future Dell Corporation réaliste une marge brute de $73 millions.

Forrest Mars Jr, comme son nom le suggère, est l’héritier de la dynastie Mars fondées par son grand père, Franklin Clarence Mars, en 1920. Outre les célèbres barre chocolatées, la famille a aussi à son actif les M&M’s et le lancement du riz Uncle Ben’s.

Ces gens sont, d’après le classement des 400 américains les plus riches réalisé par Forbes, les 20 américains les plus fortunés au dernier pointage. Si certains, comme Gates ou Zuckerberg, sont issus de milieux aisés, d’autres, comme Ellison ou Soros, ont démarré leurs carrières avec presque rien. Mais notez bien ceci : au total, nous n’avons là, à proprement parler, que cinq héritiers (Forrest Mars et les quatre Walton [2]) : les 15 autres – les trois quart du top 20 – ont construit leurs fortunes respectives de leurs propres mains. Bien sûr, me direz vous, certain ont bénéficié d’un coup de main et d’autres ont repris une entreprise familiale ; c’est vrai mais leurs héritages, sauf pour les cinq cités plus hauts, ne représentent qu’une goute d’eau dans l’océan de leurs fortunes. Le reste est le fruit de leur travail.

Et ce top 20 est un fidèle reflet du reste du classement. L’analyse des résultats montre que le Forbes 400 devient de plus en plus méritocratique puisque 70% des individus qui composent cette liste de super-riches ont construit leur fortune eux-mêmes contre 55% en 1997 ; c’est le résultat le plus élevé observé par Forbes depuis trois décennies que ce classement existe.

Par ailleurs, ces résultats sont confirmés par les données de l’IRS [4], le fisc étasunien. Sur les 17 années fiscales de 1992 à 2008, 3 672 citoyens des Etats-Unis ont eut l’insigne honneur d’appartenir au moins une fois au club des 400 américains qui ont payé le plus d’impôts (i.e. les plus gros revenus). Il ressort des données de l’IRS que 2 676 d’entre eux (72,88%) ne l’ont été qu’une seule et unique année, que pas plus de 439 personnes (11,96% du total) ont réussit à faire partie du club pendant 2 ans et que seuls 4 de ces 3 672 contribuables (0,11%) sont parvenus à rester membres du top 400 durant les 17 années.

Voilà donc à quoi ressemble ce groupe que l’on appelle « les riches » (ou même dans ce cas les ultra-riches) et dont on nous explique qu’ils sont de plus en plus riches tandis que, naturellement, les pauvres sont de plus en plus pauvres. La plupart d’entre eux sont devenus riche à la force de leur propres poignets ; à part quelques héritiers, ils ont, par leur travail, par leurs prises de risques et par leur intelligence construit leurs fortunes et mérité chaque cent qu’ils ont empoché. Ces gens, l’élite du fameux 1%, ont créé des centaines de milliards de dollar de richesse, des centaines de milliers d’emplois, ont contribué à améliorer les conditions d’existence de plusieurs milliards d’hommes et de femmes et plusieurs d’entre eux consacrent une part considérable de leur fortune à des œuvres caritatives.

Quelqu’un peut-il nommer ne serait-ce qu’un seul politicien qui puisse en dire autant ?

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[1] Sam Walton était le fils d’un ancien fermier reconverti dans la vente de crédits hypothécaires et ruiné par la Grande Dépression.
[2] Avec un « W ».
[3] Il y fût notamment l’élève de Karl Popper.
[4] Voir The 400 Individual Income Tax Returns Reporting the Highest Adjusted Gross Incomes Each Year, 1992-2008, tableau 4.

Jin Liqun : « Worn out welfare society »

Une interview de Jin Liqun, le président du fonds souverain chinois, sur Aljazeera. Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit ce monsieur mais, globalement, il développe une vision très juste des véritables problèmes de l’UE.

Extrait : « If you look at the troubles which happened in European countries, this is purely because of the accumulated troubles of the worn out welfare society. I think the labor laws are outdated. The labor laws induce sloth, indolence, rather than hardworking. The incentive system, is totally out of whack. Why should, for instance, within the Eurozone, some members' people have to work to 65, even longer, whereas in some other countries they are happily retiring at 55, languishing on the beach? This is unfair. » Et un peu plus loin : « The welfare system is good for any society to reduce the gap, to help those who happen to have disadvantages, to enjoy a good life, but a welfare society should not induce people not to work hard. »

La réalité se rapproche de la fiction

Via Mark Perry

Addendum: on en parle sur lemonde.fr

Elle a fait un bébé toute seule

En 1970, 8,6 millions de français – soit 17,9% de la population – vivaient sous le seuil de pauvreté [1] c'est-à-dire avec un niveau de vie mensuel inférieur à l’équivalent de 465 euros actuels. En 2009, ils étaient 8,2 millions à vivre avec moins de 954 euros par mois et ne représentaient plus que 13,5% de la population. C'est-à-dire qu’en 39 ans, le taux de pauvreté a reculé de 4,4% tandis que le seuil de niveau de vie à partir duquel un français est considéré comme pauvre a plus que doublé. Qu’on cesse une bonne fois pour toute de nous rebattre les oreilles avec l’âge d’or de la France industrielle des seventies. En 1970, il y avait des bidonvilles à la sortie de Paris et, malgré toutes les imbécilités politiques que nous avons enchaîné depuis, nous vivons infiniment mieux aujourd’hui qu’alors. Mieux encore, il est très probable – et je le tiens même pour certain – que les statistiques ci-dessus sous-estiment les progrès que nous avons réalisé en matière de réduction de la pauvreté.

Il peut être utile de rappeler que la notion de niveau de vie, telle que calculée par l’Insee, est très dépendante de la structure de la famille considérée. Evidemment, le niveau de vie d’un célibataire qui gagne 2 000 euros par mois n’a rien à voir avec celui de son voisin qui, avec les mêmes revenus, doit nourrir son épouse et trois jeunes enfants. C’est pour cette raison que, pour calculer le niveau de vie des membres d’un foyer, l’Insee divise les revenus de la famille par le nombre d’« unités de consommation » [2]. Dans notre exemple, le célibataire qui compte pour une unité de consommation a un niveau de vie mensuel de 2 000 euros tandis que le couple et ses trois enfants (soient 2,4 UC) doivent se contenter d’un niveau de vie 833,8 euros. Le seuil de 954 euros correspond donc au seuil de pauvreté pour une personne seule. Pour une mère qui élève seule un enfant de moins de 14 ans le seuil de pauvreté retenu par l’Insee est fixé à 1 240 euros par mois et pour un couple avec deux enfants de 14 ans ou plus, c’est en deçà de 2 385 euros qu’ils sont considérés comme pauvres.

Cette petites note méthodologique étant posée, il est peut être aussi utile de rappeler que la structure des familles françaises à considérablement évolué depuis les années 1970 et notamment, les français divorcent plus. Au cours des dernières décennies, les familles monoparentales (majoritairement dirigée par des mères célibataires) et les pères divorcés qui vivent seuls (du moins officiellement) sont devenus un véritable phénomène de société. On peut y voir à bon droit une conséquence de mai 1968 ; peu importe : le fait est que le phénomène est là. Or, il se trouve qu’en matière de statistiques de pauvreté, les divorces et l’émergence de ces nouvelles structures familiale ne sont pas neutres du tout. Démonstration :

Paul et Sophie sont mariés et ont deux jeunes enfants. Comme Paul et Sophie gagnent tous les deux le Smic et perçoivent 121 euros d’allocations familiales, leurs revenus mensuels s’élèvent à 2 267 euros. Selon le barème de l’Insee, cette famille compte 2,1 unités de consommation (1 pour le premier adulte, 0.5 pour son conjoint et 0,3 pour chaque enfant) ce qui porte le niveau de vie de la petite famille à 1 080 euros par mois ; rien d’ostentatoire mais c’est 13% de plus que le seuil de pauvreté. Mais Paul et Sophie ne s’entendent plus et décident de divorcer ; Sophie récupère la garde de ses enfants et Paul doit lui verser une pension alimentaire de 248 euros par mois. Ainsi Sophie et Paul forment deux nouveaux foyers qui gagnent respectivement 1 442 euros (un Smic, les allocations familiales et la pension payée par Paul) pour 1,6 unité de consommation et 825 euros pour une unité de consommation. Résumé : avant le divorce, il y avait un ménage qui vivait au dessus du seuil de pauvreté ; après le divorce, il y a deux familles et quatre personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté.

La pauvreté des familles monoparentales est un fait de société absolument incontournable. Aux difficultés professionnelles que rencontre naturellement une jeune mère de famille [3] qui doit aussi élever seule ses enfants, se rajoute des pertes d’économies d’échelles parfois substantielles – notamment en matière de logement. Deux ordres de grandeur : une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté et une personne pauvre sur cinq est issue d’une famille monoparentale. Quelque soit l’ampleur réelle du phénomène, l’exemple proposé plus haut démontre que dans les statistiques que nous commentons, le phénomène ne peut pas de pas avoir d’incidences.

La vie de couple, en tant que telle, constitue une source d’amélioration ou de maintient de nos niveaux de vie ; une famille c’est aussi une association économique. Le mot « économie » nous vient du grec ancien et signifie « administration du foyer ». Pendant des millénaires, outre le poids des traditions et des religions, la contrainte économique a obligée des générations de femmes à supporter leur vie durant des conjoints qu’elles n’aimaient plus (ou qu’elles n’avaient jamais aimé). Une des raisons qui peut expliquer la fragilité des couples modernes est probablement à chercher de ce coté : il est devenu économiquement possible – pour une femme – de divorcer et d’élever seule ses enfants. Reste qu’en prenant ce phénomène en compte, il est probable que le taux de pauvreté « à structure familiale constante » ait régressé nettement plus que de 4,4%.

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[1] J’utilise ici le seuil fixé à 60% du niveau de vie médian ; avec un seuil à 50%, la proportion de nos compatriotes qui vivaient sous le seuil de pauvreté est passée de 12% en 1970 à 7,5% en 2009.
[2] Le premier adulte du ménage compte pour 1 UC, les autres personnes âgées de plus de 14 ans comptent pour 0,5 UC et les enfants de moins de 14 ans comptent pour 0,3 UC.
[3] 85% des familles monoparentales sont dirigées par des femmes.

Votre mot de passe

On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...